Il a remué sous mes doigts et j’ai soupiré.
«Ce n’est vraiment pas beau à voir.»
L’infirmerie du navire était plongée dans une semi-pénombre tranquille à présent que les blessés avaient été traités; on devinait les mouvements vagues de ceux qui n’avaient pu regagner les dortoirs, remuant dans un sommeil superficiel.
Comme après chaque retour de mission, les parfums lourds et entêtants des herbes et des onguents flottaient dans l’air immobile. Cela avait quelque chose de rassurant.
La peau sous mes mains était d’un rouge inquiétant et rongée de profondes marbrures. Les coulures sinuaient, brisant l’harmonie des tatouages.
J’ai appelé la Lumière dans ma main en coupe; voir ma paume se mettre à la luire ainsi, d’un chaud éclat doré, a fait frémir le druide. Sous mon regard, les marques rougies se sont résorbées, laissant la peau saine un rien parcheminée. J’y voyais de curieux motifs nervurés qui n’avaient pas grand chose d’humain.
«Il faudra refaire ce dessin, là.»
Il a bougonné, trop bas pour être compréhensible. C’est ce qu’il fait de mieux.
«Il fallait y penser avant de tourner le dos à une hydre géante.
- Je devais protéger Ylanah... »
Il a jeté un regard furtif autour de lui, comme pour s’assurer que la prêtresse dormait. Il y avait une lueur inquiète dans ses yeux jaunes.
«Oh, voyez-vous cela. Et si l’acide avait rongé jusqu’à l’os ? Et si l’hydre ne s’était pas contentée de cracher de l’acide, hm ? Une morsure aurait suffi, ou un coup de tête aurait pu briser votre dos.»
Il m’a scrutée.
«Je devais le faire. Vous comprenez ?
- Non.»
Il s’est redressé, soupirant. Me tournant le dos, il a entrepris de rassembler les feuillets couverts de lignes et de croquis qu’il avait laissé traîner dans l’infirmerie, en faisant une pile brouillonne.
«C’est à se demander comment vous parvenez à évoquer la Lumière, vous qui ne croyez en rien.»