Arelos
Ancien
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 | Sujet: Un Porteur importun  Jeu 28 Mar - 19:28 | |
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« Dès qu’on est suspect, on n’est plus innocent. »
S’il avait toujours été démonstratif s’agissant des personnes qu’il appréciait – parfois aussi des autres, le comédien semblait avoir des années de retard ; un retard évident à rattraper au niveau relationnel. Désormais on le prenait plus à aborder qu’épier et, quoique certains s’en méfiassent encore, son amicalité croissait inversement proportionnellement à son degré de corruption. En outre sa peau avait-elle pris de l’encre et ses mains d’une écorce rêche ; mais il ne s’en indisposait pas. Sans doute Hélios avait-il fini par briser son miroir car on ne le prenait plus à s’y contempler ; seulement couper des mèches en s’assurant qu’aucun appendice ne s’y était enroulé.
Enfin, d’autres moments le trouvaient moins ouvert ; comme Nereyic et lui éprouvaient chaque jour leurs corps autant que leurs esprits. Et ces moments privilégiés succédaient chaque fois aux pensées solitaires ; plus fréquentes encore depuis qu’il avait fait l’acquisition de Kunan et Xue.
« Ciel ! Que vais-je dire ? Et par où commencer ? »
Je m’étais posé là, sur un muret, pour voir l’horizon glisser sous la mer et disparaître. Les armes de poing reposaient à ma ceinture et l’idée me vint de les saisir pour brasser l’air marin comme un gouvernail. Pas de ces murmures que j’avais appris à ignorer, mais une voix tangible, suppurant des yeux écarlates à ma droite en un flot grouillant, et pourtant si clair :
« A qui fit-il confiance pour nous les apporter ? »
Un instant je crus reconnaître en ses échos les frusques du Vide, ou bien les lamentations du réprouvé ayant rassasié les griffes pour un temps ; il s’agissait bien d’un mort-vivant. Il m’apparut aussi clairement que je l’avais entendu ; dans un cuir fauve usé par le temps ; avançant vers moi comme le Soleil tombait au crépuscule. A mesure qu’il s’approchait, sa chair meurtrie recouvrait sa fraîcheur et ses cheveux poussaient jusqu’à former une crinière hirsute, aussi sauvage que son regard. Alors des dents lui poussèrent ; des crocs ; un instant ses traits endurcis peignirent un orc pâle et sans main, pour aussitôt revenir au chevelu.
Je descendis pour m’y confronter mais n’obtins aucune réponse à mes interrogations ; fût-il en mesure de parler. Il ne s’agissait sûrement pas de l’homme mais d’un écho et d’autres défilaient déjà dans son dos ; des milliers de statues aux mines féroces et autres âmes consumées comme la dernière réduite au suc noir d’une ombre oubliée ; quel destin cruel. Pourtant lui semblait bien vouloir s’exprimer, remuant les bras et suivant mes yeux, mais sa bouche n’articulait plus que la brise. D’un geste je le renvoyai finalement aux souvenirs.
Les fantômes du passé feraient parfois mieux de se taire et prendre acte.
La mémoire d’un homme ne tient qu’en ce qu’elle honore un successeur.
Qu’ils m’observent ! J’ai toujours apprécié d’être au cœur des tourments.
« Le bonheur des méchants comme un torrent s’écoule. » |
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