Derniers instants

Ancien Messages : 568 Date d'inscription : 22/01/2015 Age : 28

Citation :: Il ne me fallu qu'un instant pour comprendre.

Je me savais condamnée au moment où j’ai quitté la Rétribution. Je savais que tôt ou tard, lui ou un autre viendrait pour moi. A vrai dire je l’ai même espéré pendant longtemps, attendant sa venue presque avec patience et avec, ma fin, ma délivrance. Mais il s’est fait attendre. J’avais essayé de repartir, de recommencer. Je soignais les malades de la Marche, j’avais accepté de rejoindre la Confrérie de Comté du Nord. Mais ce n’était qu’une façade, un masque. Car je n’attendais plus rien de la vie.

Une once d’espoir m’avait traversé il y a quelques jours, quand j’avais enfin revu Anarya et Masse-d’Argent au Domaine Rowend, avant que la culpabilité ne nous rattrape. Nous avions créé Providence, nous en étions responsable tout autant que son porteur. Peut-être même plus. Dans notre orgueil, nous pensions créer un champion de la Lumière, pas un Élu des Dieux Très Anciens. Au moins savions nous qu’il n’y avait qu’un seul chemin vers le rachat de nos fautes : assumer nos erreurs, et tout donner pour les réparer.

Tout.

Mon regard se porta sur mes affaires rapidement : j’aurais dû partir le lendemain pour la Chapelle en y emportant toutes mes connaissances. Seul le bâton était absent, et c’était tant mieux. Le flambeau était déjà passé. Il ne me fallu qu’une seconde pour trouver ce que je cherchais alors que l’écho des pas à l’extérieur commençait à retentir davantage, tout proche. Ma main gauche enserra le manche de la pistole, marquée par les combats et le temps. Un sourire triste ourla mes lèvres pour la dernière fois en apercevant les initiales gravées, celles d’Emerline. Encore une autre victime de ce conflit.
Ma main droite elle vint retirer le cache-oeil masquant mon œil brûlé par le cigare de Lester Marsh. Cela me semblait si dérisoire, et si lointain en cet instant.

Les coups sur la porte résonnèrent, et je braquais la pistole droit sur cette dernière d’une main tremblante. J’essayais de reprendre mon souffle, n’ayant pas remarqué que j’avais arrêté de respirer il y a quelques secondes. Puis la porte s’ouvrit, et je du retenir mes larmes.

Son visage n’avait presque pas changé, il semblait qu’il était le même homme. Celui qui m’avait défendu de tous et toutes en me jugeant faible, en leur rappelant ce que j’avais enduré. Celui dont j’avais échoué à protéger la meilleure amie. Celui que j’avais idolâtré avant de plaindre sincèrement. Celui à qui j’avais proposé de ne pas le ramener s’il venait à tomber. Celui que j’avais aimé.

Mais son armure n’était plus la même. Son épée non plus, même s’il ne l’avait pas en main. Il semblait presque amical. Il devait vouloir que je le rejoigne. Mais je ne pouvais pas le suivre cette fois, pas là où il s’était perdu. Où il avait été abandonné, plutôt…

Mon regard se porta un instant sur son ami et acolyte, accordant un rapide regard à la pistole que je tenais dans ma main, poussant un bref soupir. Mais bien vite, mon unique œil se reporta sur lui. Une dernière fois. Quelque part… J’étais heureuse qu’il soit le dernier visage que je verrais. Même s’il n’était plus le même, cela suffit à raffermir ma prise sur la pistole que je braquais toujours sur lui.

J’avais fais tout ce que je pouvais, et donné les clés aux autres pour refermer ce triste chapitre de nos vies à tous, j’avais foi. J’espère qu’Anarya se rangera après ceci et qu’Arliden pourra un jour trouver la paix. Que Colin aura une fin plus heureuse que la mienne.

« La balle n’est pas pour toi, Marvin. »

Elle ne l’avait jamais été, nous le savions tous les deux. J’aurais voulu te dire une dernière fois que j’étais désolée, que j’aurais voulu mieux pour Olivia, Jacek, et tous les autres, pour nous. Mais je n’aurais pas eu la force de presser la détente si je l’avais fait.

Désolée, Marvin.

Le canon de la pistole rencontra alors ma tempe, et je fermis les yeux avant d’appuyer.

Ylanah Ziegler se reposait enfin.