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 Le tir retentit

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Charlie P. Stardust
Mercenaire
Charlie P. Stardust


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Date d'inscription : 26/03/2020

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MessageSujet: Le tir retentit   Le tir retentit EmptyDim 19 Avr - 19:22

Le tir retentit. J’ai envie de pleurer mais les larmes ne me viennent pas. Le flot s’est tari et mon cœur s’est asséché. Leurs corps gisent là, dans une mare de sang. Il y a encore quelques secondes, ils étaient vivants, attachés au pilori, la face méconnaissable et pleine d’ecchymoses, les mains et les jambes liées. Ils ne parlaient pas. Les soldats, disciplinés, suivaient à la lettre les consignes. Ils leur avaient cousu la bouche, arraché les ongles.

A cette époque, aucun remède n’existait. Nous survivions comme nous le pouvions, en priant une aide qui n’arrivait pas.
Ma sœur était tombée malade. Sa santé avait toujours été fragile ; fleur de printemps, le climat de Gilnéas ne pouvait pas lui convenir. La pluie, le brouillard, les nuages gris cachaient le soleil qui lui manquait tant et l’énergie s’écoulait en dehors d’elle.
A chaque nouvel hiver j’appréhendais de la perdre, de ne plus entendre son doux rire, de ne plus sentir son parfum sucré, de ne plus voir sa silhouette menue courir dans nos champs.
Elle avait hérité de Père ses lèvres charnues et ses yeux bleu d’un ciel dégagé ; de Mère ses beaux cheveux noirs et lustrés qu’il me plaisait de tresser lorsque, enfants, nous passions du temps ensemble. Ces instants me paraissent aujourd’hui si lointains ; avait-on besoin de grandir si vite ? Avec les années nous nous éloignions et je perdais ma petite sœur. Nos destins empruntaient des sentiers différents ; j’embrassais le corps militaire auquel Père rêvait un fils tandis qu’elle débutait l’enseignement du Clergé. Je la savais faite pour cette voie ; d’un tempérament doux, elle apaisait les tensions de Père et de Mère d’une voix posée, dénouait les problèmes de notre entourage sans qu’aucun ne se sente floué. Il y avait en elle un juge juste et bon et en lequel chacun puisait réconfort.
C’est peut-être cela qui l’affaiblissait chaque jour un peu plus. A trop donner de sa personne, à considérer tous les cas avec importance, sa santé se détériorait et elle se voyait interdire de quitter son lit. Cette fois-ci n’était pas différente, pensai-je.
Nous nous relayions alors avec Mère à son chevet ; j’épongeai son front perlant de sueur d’un mouchoir brodé à son prénom et versai entre ses lèvres livides les remèdes de notre médecin. Depuis combien d’années le connaissions-nous ? Petite, je me rappelais ses bras solides me soulevant du sol et sa barbe drue me piquant les joues ; lui aussi avait vieilli. Des rides se creusaient à son visage et son dos n’était plus aussi droit qu’autrefois ; sa barbe avait viré à un gris terne. Ses mains, je l’apercevais parfois, se secouaient de tremblements intempestifs. Il nous avait fait naître au monde, ma sœur et moi, et nous connaissait comme s’il s’agissait d’un membre à part entière de la famille.
A le voir penché sur elle, sur ma fleur de printemps alitée, j’eus un pincement douloureux au cœur ; était-ce là une situation normale ? Sa jeunesse aurait dû se passer à courir les champs, à rire, à jouer, à se moquer du temps passant. N’aurait-ce pas dû être elle à la place de notre médecin, dans une toute autre maison à prodiguer conseils et soins ?
L’ombre furtive qui passa sur le visage du soignant m’inquiéta. Quittant le chevet de notre malade, il invita d’un geste mes parents à descendre au rez-de-chaussée et à le suivre dans le salon de thé. C’était l’une des pièces que j’affectionnais le plus dans notre maison ; percée de toute part par de hautes fenêtres, la lumière l’inondait. Petite sœur en avait fait son jardin secret. Des plantes et des fleurs de différentes variétés s’y épanouissaient dans des vases, des pots suspendus, grimpaient sur l’un des murs et embaumaient la pièce de leur délicat parfum - j’y reconnaissais le sien.
De la chambre ne me parvenaient que des morceaux inintelligibles de leur conversation. Ils échangeaient à voix basse, de sorte à ne pas troubler le repos de petite sœur ; elle avait mis de longues minutes à s’endormir. J’eus l’envie de les rejoindre, d’interroger le docteur mais je craignais qu’en retirant ma main de la sienne son sommeil ne soit perturbé. De quoi pouvait-elle rêver ? Je décollai une mèche brune de son front et le lui effleurai du bout des doigts.
« Douce fleur. Nombreux sont ceux te qualifiant de fille simple pour tes désirs sans prétention ; ceux-là n’ont pas su saisir la profondeur de ton âme, ton désintéressement sincère aux choses matérielles. Moi, je ne souhaite qu’une unique chose… C’est que tu guérisses vite que nous puissions retourner ensemble aux champs. Dépêche-toi d’aller mieux, le temps nous est compté. »
Mère était arrivée à ce moment ; je l’avais entendue sangloter avant de la voir au seuil de la porte, comme incapable de la franchir. Elle me fit l’effet d’un fantôme hantant les lieux avec sa robe bleu pastel et ses cheveux défaits. C’était la première fois que je la découvrais ainsi, en larmes. Mère avait toujours maîtrisé ses humeurs et fait preuve de retenue ; aux colères de Père, elle exposait une sérénité tranquille, un calme olympien ; à nos pleurnichements d’enfants, elle nous cajolait entre ses bras blancs et chauds comme de petits pains moelleux. A mon entrée à l’académie militaire, elle me fit promettre de leur écrire et de les visiter le plus possible. Avant de nous séparer, ses lèvres avaient imprimé sur mon front un baiser indélébile.
Ces mêmes lèvres que j’apercevais derrière un mouchoir tremblaient. Mon ventre s’en retourna.
« Mère ? Qu’y a-t-il ?
- Charlie… ma pauvre enfant. Ta sœur ne va pas bien ; elle souffre d’un mal inconnu qu’aucun remède ici ne saurait combattre. Ils sont à peine suffisants pour stabiliser son état. Ton père et moi partons pour la capitale. Non, écoute-moi ma chérie, je veux que tu restes ici. Les routes ne sont plus sûres et quelqu’un doit surveiller la maison. Ne discute pas. Viens plutôt m’aider à faire nos valises.
»
D’un hochement de tête résigné j’acceptai ; Mère n’employait ce ton si dur que lorsque la situation l’exigeait. Il n’admettait aucune contestation et je l’avais appris à mes dépens lorsque, plus jeune, je lui répondis avec insolence. A partir de ce jour, je comprenais les réactions de Père envers Mère, ses paroles tempérées, ses gestes plus tendres ; comme moi, il craignait ses colères qui tonnaient tel l’orage.
Sans un mot je me libérai de l’étreinte de petite sœur et me relevai, gagnai l’armoire ; elle nous était pleine de souvenirs. Petites, il nous semblait qu’elle renfermait un monstre derrière ses lourds battants de chêne que je venais d’ouvrir. Combien de nuits blanches avions-nous pu passer en le craignant, la couverture remontée jusqu’à nos mentons tremblants ? J’étais incapable d’en tenir le compte. Père nous rejoignait alors et, blotties contre lui, nous nous endormions d’un sommeil paisible, rassurées par sa présence.
L’armoire contenait en majorité des robes ; ma petite fleur de printemps les affectionnait colorées, légères, et elle se refusait obstinément à investir dans de nouvelles, ce à quoi Mère avait dû se résigner. J’en sélectionnai les plus chaudes et les plus pratiques que j’amassai sur le dossier du fauteuil, près de la fenêtre. J’y jetai un œil. Il pleuvait. Les nuages gris menaçaient d’éclater. Faire la route par ce temps n’arrangerait en rien sa santé songeai-je en pliant les robes ; la malle de voyage en fut bientôt pleine. Je la descendais devant la porte d’entrée que Père venait d’ouvrir. Il s’efforça de me sourire mais je voyais à ses traits tirés une inquiétude évidente. Je ne le questionnai pas et m’efforçai en retour un sourire. La malle à la main, il rebroussa chemin et je remontai à la chambre.
Petite sœur s’était réveillée et m’accueillit avec chaleur, m’invita à m’asseoir près d’elle.
« Lili… fit-elle d’une voix ténue, assieds-toi avec moi s’il te plaît. Je vais bien, n’aie pas le visage si affligé, tu ressembles à une vieille tomate toute fripée. Son rire me réchauffa de l’intérieur et atténua mes appréhensions. Je m’asseyais près d’elle, une main dans la sienne.  
- Ce n’est pas moi qui suis rouge comme une pivoine. J’observai ses traits émaciés, ses lèvres pâles, son teint plus blême que d’habitude. Les saignées n’avaient pas purgé le mal en elle, et les prières peinaient à s’élever au ciel. Comment vas-tu ? Père et Mère se font un sang d’encre pour toi.
- J’ai une faim de loup.
Elle se redressa dans le lit et je l’y aidai, rembourrai le coussin dans son dos.
- Mère t’a préparé du lait de poule et il doit y avoir de quoi manger en bas. Je reviens.
- Attends, Charlie.
Elle me retint par le bras. J’ai quelque chose à te dire. S’il te plaît, rassieds-toi. Je… Je ne veux le dire qu’à toi.
- Je t’écoute. Tu peux tout me confier, tu le sais bien.
- Oui. "Aucun secret l’une pour l’autre",
récita-t-elle avec un mince sourire au coin des lèvres. Je suis allée voir les Withers cet après-midi. Elle marqua une pause, m’interrogea du regard ; je lui fis signe de poursuivre.
« Dimitri m’avait donné rendez-vous à côté de la chapelle et… il m’a ensuite invitée à boire le thé chez lui. C’était comme… comme un rêve. J’ai accepté, bien sûr, et… Et nous avons longtemps discuté. Le soleil brillait haut dans le ciel quand nous nous sommes retrouvés et… il se couchait lorsque nous nous sommes séparés. Paige sélectionnait ses mots avec soin, les avançait prudemment ; je la crus en train de me livrer ses sentiments envers le Withers. Son poing se refermait avec nervosité sur la couverture, et elle évitait mon regard.  
- Je suis contente pour vous deux, lui dis-je en toute sincérité. Dimitri est un charmant garçon. Il te rendra tout à fait heureuse. Les Withers l’ont bien éduqué et d’après mon enquête, il est très amoureux de toi également.
- Je… Delphie !
Elle bougonna, rougit à la fois de honte et de joie, puis se renferma sur elle-même, les yeux brillants. Je l’aime aussi mais... Promets-moi que cette discussion restera entre nous, d’accord ? Sa demande me prit au dépourvu mais j’acquiesçai ; j’aurais tout fait pour elle.
- Tu as ma parole, petite sœur.
- Je… nous nous sommes livrés l’un à l’autre, ouvertement et sans retenue. C’était… c’était un moment magique. Mais… mais il y a des choses que je n’aurais jamais voulu savoir, Lili. J’ai appris une chose… terrifiante.
Je la vis fermer les yeux, retenir des larmes qui coulèrent de part et d’autre de son joli visage. Lili… Ce sont des rebelles. Dimitri aussi. Un hoquet douloureux souleva sa poitrine. Il… il compte se soulever contre la royauté, prendre les armes. J’ai… j’ai tenté de l’en dissuader… Il s’est énervé contre moi, m’a… m’a crié dessus. Les larmes inondèrent ses joues. Il voulait que je l’aide, que je me révolte aussi ! Tu l’aurais vu… Oh ! Tu l’aurais vu Charlie ! Il était méconnaissable ! J’ai vu tout ce qu’ils conservaient à leur cave… Tellement d’armes ! D’explosifs ! Elle éclata en sanglots dans mes bras et je la réconfortai maladroitement, abasourdie.
- Paige…
- Je l’ai supplié de… de… de renoncer… il a refusé. Il était fou de rage. Il m’a… il m’a chassée de chez lui, et interdit de revenir seulement une seule fois sinon…
Elle s’interrompit, renifla bruyamment. Ma vue le… je le dégoûte.
- Paige. Paige ! Regarde-moi ! Je lui redressai le menton, furieuse en mon for intérieur. Il ne te mérite pas, tu m’entends ? C’est là un imbécile, un inconscient. Les traîtres à la couronne ne méritent pas tes larmes. Sèche-les.
- Tu…
- Non. Je n’irai pas le dénoncer, et je ne préviendrai pas nos parents. Je te l’ai promis, bien que cela me coûte de te voir dans cet état et eux aussi. Ils préparent votre départ pour la Capitale. Tu ferais mieux de tout leur raconter.
- Lili…

- Je ne dirai rien. Peut-être que Dimitri fera preuve d’intelligence et reviendra-t-il sur ses positions. Néanmoins petite sœur, cela n’excuse pas les paroles qu’il a tenues.
- Oh, non…
»
Je savais pourtant qu’elle lui aurait tout pardonné ; un mot, un geste, un simple regard de sa part et elle aurait oublié, effacé de sa mémoire et de son cœur le chagrin qui la dévastait. Nous le savions toutes les deux.
Ils s’étaient rencontrés à la chapelle ; lui à genoux et priant, et elle à observer son profil dans le confessionnal. Petite sœur s’y cachait parfois pour échapper à la surveillance du Père Ludovic. Sentant peser un poids sur lui, Dimitri avait tourné la tête dans sa direction ; leurs regards s’étaient croisés.
Le mien fixait la tasse du lait de poule ; il devait être froid maintenant. Petite sœur ne me tenait plus la main ; elle s’était rendormie, épuisée par ses émotions. Je lui caressai une joue.
« - Toutes ces nouvelles t’ont retourné l’esprit et rendue fiévreuse. Tu ne souffres pas d’un mal inconnu, mais d’un cœur brisé, ma Paige. Père et Mère vont te transporter à la Capitale où l’on prendra grand soin de toi. Tu seras en un rien de temps remise sur pieds et nous pourrons aller aux champs ; sais-tu combien ils sont beaux cette année ? Le vent qui souffle dessus fait croire à une mer d’or…  Mes lèvres se pincèrent et Père, au seuil de la porte, vint me presser l’épaule.
- Il est l’heure.
- Je sais. »
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