Le Rêve... Non, je... Si, ce doit être le Rêve, n'est-ce pas ?...
Deux coups. Poignard, dague, qu'importe ? La lame s'est enfoncée profond. La douleur est fulgurante. Rien senti de tel depuis longtemps, non...
Je n'entends plus les cris, les fracas, tout s'estompe en une rumeur noire qui bourdonne... Ansuz, Ansuz, je remercie les dieux que tu ne puisses me voir, en cette heure.
Le bourdonnement adopte un rythme régulier... Peu à peu, il se fracture, s'espace et s'articule autour des vides, des manques, devient mélodie. Des chants ? Des chœurs ? Mes oreilles voudraient se tendre dans leur direction... Oui, je suis sous forme de bête, couché là à même la terre, sans rien d'autre que la mare de mon sang pour m'en séparer. J'aurais voulu... Je voudrais m'y fondre, m'y enfoncer. Mon corps laissé là dévoré par les prédateurs, revenant à la forêt... Oui, ce ne serait que justice. Le cercle refermé, enfin.
Oui, vraiment. Voilà longtemps désormais que ma vue s'est brouillée. J'ai vaguement conscience d'un léger sentiment d'urgence qui me prend au cœur... Mais c'est terminé : je meurs.
Et cette grande paix qui me nimbe, est-ce donc
le Rêve ?...
Je pas mourir
juste pas juste, non, pas juste !... pas fait tout ça pour rien, pour rien, alors ? Non ?
Les autres morts déjà, morts encore pas pu les sauver, jamais pu toujours été derrière, loin derrière, pas assez fort, si ?... Alors pourquoi je dois C'est le Rêve qui vient
Le Rêve qui tombe pas laissé
C'est un grand silence qui succède aux chœurs et qui tresse d'une main blanche les brindilles éparses de mon esprit perdu. C'est une main blanche qui en noue les brins, qui retient les grains... C'est une paix formidable qui s'abat - comme un rapace sur une proie - pas corbeau, non, mauvaise analogie. Je ne peux plus partir, le Rêve merveilleux s'est évanoui... La Lumière seule demeure alors, à me demander à nouveau d'inventer à vivre...