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Guilde RP sur Kirin Tor - World of Warcraft
 
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 Banalités du roc

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Arelos
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MessageSujet: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyMer 20 Sep - 20:44

Une carte:

Citation :
C'était une journée comme les autres en Rauros ; les commerçants de Cimétoile saluaient d'une main leurs voisins, et les bosquets imprégnés de magie frémissaient comme l’héritier au vent nourri par des monts vertigineux.
Un monde s’éveillait à l’Est de la forêt d’Elwynn, tandis que la chute surplombant l’imposant manoir de Fort-Maelon luisait comme un soleil à son zénith. Des portées immaculées d’iris fleurissaient même aux pieds de l’îlot, ravissant les hameaux parsemés de chênes éternels, et parfois de voyageurs humains. Car l’enclave n’accueillait pas seulement les pairs thalassiens, mais aussi quantité de bâtards et assimilés aux hôtes de ces bois. En découlait une architecture forte de son exotisme, comme si l’extravagance du beau peuple s’était mêlée au plus simple appareil.

Etheran se figea face à l’arbre rougeaud jouxtant la façade de sa masure excentrée, caressant aussi son écorce rugueuse de l’extrémité de son bâton. En réponse, les racines s’enfoncèrent plus avant, les branches s’allongèrent et bourgeonnèrent comme au printemps. Sans raison, il savait que cette journée n’avait rien de plus que les autres, mais que pourtant une chose terrible surviendrait ; il en avait la certitude.
Quittant Delande et ses doux pâturages, il décida de joindre le manoir par le sud, bifurquant à la croisée des chemins pour longer le hameau central, symbole de mixité raciale. Au passage il apprécia d’un geste maladroit les archers en faction, ses voisins en promenade malgré la fraîcheur matinale, et laissa voguer son regard par delà les cimes verdoyantes du domaine de son père. Car il le trouvait en chaque feuille, chaque hêtre, et sa présence le rassurait.
Comme ces terres rayonnaient de trop aux yeux d’un roturier naissant, lui peinait à soutenir les regards et gestes respectueux qu’on lui adressait en gage de sa noblesse illusoire, et quelque part il regrettait l’audace d’avoir admis sa filiation.

« Monsieur Etheran. »
Ils lui donnaient à présent du monsieur, alors que son statut ne différait pas d’un serviteur l’année passée.
« Jeune maître. »
De qui pouvait-il être le maître au juste ? Lui qui n’avait toujours pas l’attitude ou la présence du seigneur en devenir.

C’était jour de marché à Cimétoile ; des artisans exposaient leurs babioles enchantées et mets délicats assez prisés parmi les hommes. Le descendant s’arrêta devant l’enseigne de l’auberge de la Harpe d’or, unique en Rauros, comme attiré par un lointain clairon ; ou bien une prémonition ? Sans importance, il remonta le col de son gilet brodé, lissa un sourcil à peine haussé par son habituelle indifférence et entra.
Le couple tenancier discutait au comptoir sans interruption malgré l’étonnante activité des lieux en cette période de presque-fin d’année. Des yeux luisants se posèrent sur le nouvel arrivant qui, haussant les épaules comme ses oreilles pointues, prit place dans un coin de la salle, le coude posé sur le rebord d’une fenêtre. Les murs venaient d’être repeints et portaient encore l’odeur âpre de la cire fraîche tandis qu’une chaleur accablante se dégageait du bois lustré et fourni en ornements. Des rideaux d’étoffe par trop fine dissimulaient quelque autre salle où l’on préférait le confort des coussins aux tabourets rigides.
Etheran suivait donc le tracé des arabesques sur les battants lorsqu’un homme s’installa à sa table, les mains jointes à hauteur de sa barbe grise et fleurie ; un visage inconnu cependant, et marqué par l’âge.

Lorsqu’on vit en communauté, chaque trait, chaque timbre paraît unique et familier ; c’est d’autant plus vrai chez les elfes séculaires ; qu’ils aient ou non les yeux bleus. L’héritier en particulier jouissait d’une mémoire pratiquement infaillible, et prétendait parfois connaître jusqu’à la gestuelle de chaque habitant de Rauros. Celui-là n’était donc pas un résident, ou même un habitué. Il n’était pas non plus quel’dorei. C’était un étranger.

« Monsieur Ancresoleil je suppose ? On m’a beaucoup parlé de vous. Sa voix étouffée, malmenée par des années de fumette, résonnait peu.
- Vous confondez sûrement avec mon père. Moi je suis Etheran. »

Sans doute fut-il décontenancé par le ton monocorde de son interlocuteur, car l’arrivant maintint sa bouche ouverte quelques secondes. Etheran quant à lui ne bougeait pas, défigurant un sorcier, ou pèlerin, ou les deux, d’après sa robe violette en toile raccommodée. Ses doigts avaient bien la finesse des maîtres de l’arcane, à défaut de bijoux royaux.

« Mirifique cet endroit. Jamais je n’avais vu taverne si reposante, ni même de village plus tranquille. »

Le jeune elfe se contenta d’acquiescer, plutôt préoccupé par un rai de lumière posé sur sa main blanche que les évidences pointées par l’inconnu encapuchonné. Comprenant qu’il était oublié, le même toussa dans son poing et se leva en saisissant sa chope encore pleine tandis qu’un filet mousseux tachait sa pilosité : vexé.

« J’aurais voulu en apprendre davantage sur les trésors de votre famille. Une autre fois sans doute, lorsque vous serez plus disposé à m’écouter. » Puis le regard vif et brillant du vieillard quitta notre personnage apathique ainsi que la scène.
Perdu dans ses pensées, il ne le vit partir ni ne l’excusa ou retint. Pourtant il savait ; il savait que quelque chose ne tournait pas rond ; sa gestuelle peut-être ? Ou alors son intérêt soudain pour les richesses de Rauros. Ce n’était pas si étonnant au fond ; et puis la vue des soldats aux portes de Cimétoile l’avait autant troublé.
L’elfe n’avait jamais su apprécier l’agitation des beaux jours ; d’ailleurs il quittait souvent le paisible domaine au crépuscule des fêtes capitales, lorsque les boutons se ferment, que les enfants dorment à poing fermé. Mais cette fois et contre toute attente, il préférait voir du monde, franchir un seuil marqué par de nombreuses semelles. Et cette fois, il devait parler à Sinthael l’administrateur.

« Un fond d’ambroisie dans son nectar acidulé comme d’habitude, monsieur Etheran ?
Recouvrant ses esprits, il reconnut aussi la serveuse et aubergiste Uriel, papillonnant comme s’il avait rêvé d’un autre plan.
- Pardon ? »

La chaise avait été tirée, et plus une trace du curieux pèlerin dans l’auberge.
Un fond ambiant quoique pas si déplaisant couvrait à présent les discussions, mais le manège quotidien d’Etheran devait cesser pour un temps.


Dernière édition par Helios le Lun 22 Jan - 1:26, édité 1 fois
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Arelos
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyMer 27 Sep - 22:00

Citation :
Etheran avait enfin quitté Cimétoile et longeait la rivière bordant l’îlot de fort-Maelon non sans adresser un discret regard aux volutes bleutées s’échappant du Puits d’étoile, cœur énergétique de Rauros et fragment illusoire d’un glorieux passé. Une bande de terre coupait en pont les eaux pour guider au manoir, tandis que des archers se déployaient à l’entrée, saluaient l’héritier : « Bienvenue monsieur Etheran. » Tout aussi étrange cette formulation, car il connaissait bien ces gens, trop pour être ainsi présenté.

Il pivota légèrement pour capter l’éclat solaire de la Tour blanche couronnée d’une unique aile vêtue d’or. L’administrateur l’attendait au seuil du principal bâtiment ; une auguste demeure taillée dans le marbre et la pierre, soutenant quelque donjon ainsi que les étendards de la maison Ancresoleil. Partout où l’on trouvait un sillon ovale et ses volets peints se dressait aussi un trident renversé, surmonté de trois étoiles.
L’îlot était aussi animé que son voisin et notre elfe voyait le Sergent Irétoile du guet martyriser ses cadets sous les jets cristallins d’une fontaine, quelques autres soldats patrouiller dans leurs tenues de cuir renforcé et la fumée s’échapper des forges arcaniques. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin, Sinthael portait une robe de soie blanche trop ample, dissimulant habilement ses mains jointes tandis que des cheveux argentés léchaient son torse effilé comme une lame de rasoir. Etheran avait toutes les raisons de craindre cet homme briguant les titres et privilèges de son père, conspirant sans doute contre sa propre légitimité, mais il le savait également pieds et poings liés. La période était faste, le commerce allait bon train, mais des mouvements suspects avaient été reportés par les miliciens de Rauros sans qu’il eût pu les identifier. Et son rôle de gouverneur ne consistait pas seulement à signer les contrats ou accueillir des alliés diplomatiques. C’était la raison de la convocation du jeune seigneur.

« Nous vous attendions. Suivez-moi. » Etheran acquiesça sans broncher, emboîtant le pas de son aîné et s’engouffrant dans le grand hall du manoir, franchissant escaliers et couloirs hérissés de tapisseries, bustes et tableaux d’une autre époque. Parfois un lustre se balançait au plafond et des cristaux s’illuminaient pour offrir aux maîtres des lieux l’accueil dû. Aussi à chaque croisement se tenaient une rangée d’armures tant vides que rutilantes.
Le grand salon n’était pas différent des nombreux bureaux, garni de dorures et fantasques sculptures. Par une large fenêtre ouverte sur la façade, la lumière du soleil envahissait les murs bien cadrés, ainsi que les protagonistes de Fort-Maelon attendant en effet les deux figures, installés sur de riches tabourets ; l’oracle et doyenne de Rauros Sharis Chanteflot, Myriel Hautelame le maître d’armes aux cheveux coupés à la serpe, et bien sûr le Capitaine des archers Thalon Mirevent et son regard d’acier fendu.

« J’ai vu le ciel s’éteindre, le gangrefeu s’étendre. La vieille sorcière agitait les bras en faisant part de ses prédictions ; car elle avait lu dans les eaux de la colline aux esprits, enchantées par ses soins une semaine durant pour accueillir de nombreuses visions.
- Il est question de quelque silhouette aperçue dans l’œil de Rauros, pas des cieux déchirés par Argus. » rétorqua sèchement Thalon en désignant deux fauteuils à ses maîtres, les invitant à s’installer. Sinthael d’ailleurs ne tarda pas à engranger d’un ton acerbe caractéristique : « J’aurais tendance à croire vos hommes paranoïaques ou incompétents pour savoir ratisser un simple bosquet sans détecter la moindre anomalie. Aussi ai-je foi en notre voyante. »

Etheran sentit les traits acérés du forestier se tendre, son regard quitter l’administrateur pour trouver soutien chez Myriel qui prit alors la parole : « Sauf votre respect, les archers ne sont pas habilités à repérer des signaux arcaniques. Un profane n'aurait certainement pas échappé à leur vigilance.
- Vous supposez donc qu’il s’agit d’un sorcier. L’érudit en robe blanche l’avait interrompu, le regard figé en une expression mêlant plaisir et dédain, une sorte de rictus forcé. A raison, car j’ai déjà prévenu un inspecteur du Kirin Tor et bon ami à moi. Rauros est agitée par le marché et nous manquons d’éléments fiables, d’autant que les mages sont occupés à nourrir le puits. Mais entrez donc, Henry. »

Alors qu’il fixait résolument un point de la salle, Etheran reconnut la robe au ton délavé du sorcier humain rencontré plus tôt dans la matinée. A présent il portait un bourdon en noyer dans le dos, usé par le temps, et balayait le conseil de ses yeux vifs, les mains perdues dans sa barbe.
« L’heure est grave. Tous restèrent suspendus à sa parole trébuchante. Il se pourrait qu’un homme recherché par nos services, reliquat du Conseil des ombres, s’intéresse aux trésors de vos pères. »

Des heures durant il décrivit l’animal. Un apprenti félon de Dalaran ayant jadis tenté de lever les sceaux du fort pourpre sans succès avant d’être trouvé et formé aux arts gangrenés par les agents du Titan noir. Dès lors, tous comprirent qu’il était impensable d’avertir les ouailles et d’étendre les factions aux forêts. Non seulement le manoir serait vite pris pour cible, mais des mouvements de foule rendraient l'opération plus ardue encore. Le Capitaine échangea un regard avec l’aînée quel'dorei et conclut enfin : « Nous limiterons les patrouilles aux environs de Fort-Maelon pour la semaine à venir. S’il s’avère que nos soupçons sont, inadaptés, la vie reprendra un cours normal.
- Moi vivant, personne ne passera nos protections ni ne souillera ce domaine.
Sinthael s’était redressé en brandissant son bâton au cristal blanc, résolu qu’il était à prouver sa valeur en tant que gouverneur. Écume est renaissance ! »

Etheran n’écoutait pas. Il pensait, à peu ou beaucoup de choses. Il pensait à cet Henry et ses mimiques bourrues. Il pensait à son père parti pour le nord du continent, et aux terres grises de Lordaeron. Il pensait à ces barrières qu’il avait érigées, perfectionnées encore. Toujours il pensait, mais ne prêtait au débat qu’une oreille passive et peu attentive. Pourtant c’était évident, quelque chose ne tournait pas rond.

« Peut-être qu’il s’attend justement aux mesures. » Mais personne ne l’entendit.
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyVen 6 Oct - 18:07

Citation :
« C’est entendu. »

Des heures s’étaient écoulées depuis l’entrevue au manoir et quand vint le douzième coup, Etheran aperçut depuis la place de Cimétoile un dôme opaque recouvrir fort-Maelon. Il avait insisté auprès de Sinthael pour rester à l’extérieur, prévenir l’éventualité d’une attaque, mais se trouvait accompagné d’une poignée d’archers, sous la coupe du Sergent Lemian comptant parmi les seuls humains de l’ordre. Bien sûr il aurait préféré quitter seul l’îlot et couvrir la nuit sans autre gage que ses propres défenses ; mais ce n’était pas si important.
Car l’esprit de l’héritier était aussi ouvert que les cieux étoilés, qu’un village d’Elwynn vide ou presque de ses badauds. Ses yeux azuréens s’arrêtèrent successivement sur la blanche chapelle aux murs éclairés par ces braseros dansant à la lisière des bois, l’auberge si accueillante de jour et d’autres demeures plus humbles sur lesquels se reflétait l’argent des deux lunes.

Les guets principaux avaient été désertés par une moitié des effectifs pour permettre aux factionnaires de patrouiller par delà le pont menant au manoir, et quelques civils parmi les plus éminents avaient été mis au courant de l’état d’urgence : à commencer par le maire de Cimétoile qui s’efforçait de maintenir un couvre-feu pour des raisons de convenance tout-à-fait illusoires. Enfin le maître d’armes avait dépêché pour l’occasion sa fougueuse apprentie, craignant qu’elle ne se jette à corps perdu dans une bataille dont il ignorait encore la nature, et la plupart des combattants se tenaient à l’abri du bouclier pour défendre leur foyer.
Que pouvaient-ils espérer ou faire de plus pour échapper à la poigne du destin ? S’il existait bien.
La tension était palpable.

Des volutes bleutées s’échappaient continuellement du Puits d’étoile à une lieue des hameaux, projetant et propageant sa lueur surnaturelle décuplée par l’ouvrage des mages de Rauros. Quiconque aurait parcouru nos terres en cet instant précis aurait été saisi d’effroi tant la réalité se trouvait déformée par des fils arcaniques, tant un lieu si paisible pouvait muer en glacier immuable.

« Jeune maître, nous devrions peut-être stationner à la croisée des chemins. »

S’éveillant à son entourage, Etheran acquiesça. Il savait l’ancien trappeur compétent malgré un malaise évident soufflé par la hiérarchie, et préférait river son attention sur la reflux d’une quelconque source de magie, plus précisément dans l’œil de Rauros ; ce bosquet enveloppé par les sentiers du domaine et si foisonnant d’une végétation gorgée de magie. Il n’était pas sorcier de se terrer sous les racines des hautes cimes pour échapper même au plus attentif des gardes forestiers, cependant que des plantes et bêtes y paraissaient chaque jour pour mieux se fondre dans les fourrés enchantés.

Ils marchèrent donc jusqu’à la tour de guet, encadrés de trois lueurs vacillantes ; des torches ; et s’arrêtèrent à ses pieds engoncés dans le roc pour scruter les environs. Etheran d’ailleurs se figea au plus près des bois pour étendre son champ aux deux sentiers sans succès.
Aucun mouvement suspect ni augure mystique susceptible de capter son attention. Les archers tinrent position, portés par le hululement des chouettes, l’air frais balayant leurs visages découverts tandis que le Sergent faisait son rapport à une paire de factionnaires.

Cette nuit là fut aussi douce que calme, bercée par les astres et sauve de l’écrasante présence d’Argus maintes fois évoquée dans la journée.  
Peut-être au fond n’y avait-il rien à craindre de ce démoniste ? A quoi bon prendre Rauros et ses gens. Les artefacts s’y massaient, uniques en Elwynn mais pas Azeroth, certainement dangereux entre de mauvaises mains, mais encore ? Quelque chose ne tournait pas rond : des objectifs et une défense creux.

« Tout se déroule comme prévu. »
Etheran questionnait les objectifs de l’administrateur qui aurait aussi bien pu créer cette menace pour la mieux écarter, prouver qu’il était unique et surtout préférable de lui confier la défense du domaine. C’était bien son genre mais, pourquoi alors la dissimuler aux yeux de ses ouailles ?

Lorsque l’héritier retrouva Delande et sa couche, le Soleil gagnait l’horizon en balayant la voûte de ses rayons brûlants, et la vie reprenait avec son lot d’animations. Les civils insouciants ignoraient tout des mesures prises par le conseil de Maelon, montaient encore leurs étals ou discutaient naïvement de l’avenir proche, des chênes aux feuillages bientôt automnaux.

« Une simple question de temps. »
Rien n’interrompit le rituel qui se poursuivit tout au long de la semaine.
Aucun sorcier maléfique. Pas même une attaque de bandits sur le manoir, d’ailleurs ce n’était pas arrivé depuis des années ! Même les arcanistes du Puits n’avaient été troublés dans leur canalisation et pouvaient enfin retrouver leurs foyers avec la satisfaction du travail bien fait.

« C’est pourtant évident. »
Qu’avaient-ils bien pu rater ?
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyMar 7 Nov - 11:15

Citation :
« Ce soir. »

Un rai de lumière traversa des volets usés, saisissant le visage blafard d’Etheran qui s'éveillait péniblement. Quand à l’horizon point le Soleil éternel chéri des gens, la vie reprend – mais pas cette fois. Car l’incertitude parasitait ses pensées, de fait confuses.

Posant une main nue sur le parquet poussiéreux, le jeune maître se redressa, esquivant habilement les livres et parchemins entassés çà et là. En bâillant, une main posée sur ses lèvres glacées, il manqua de trébucher sur la hampe de son bâton, qu’il saisit une fois débarbouillé et équipé d’un gilet céruléen parmi les dizaines qu’il aimait à disposer dans son armoire. Avant de passer le seuil, il pivota légèrement, s’arrêtant sur cet espace désolant ; une salle de vie sans âme ni feu ; mort de l’intériorité. La figure même du désordre.

« Comment quelqu’un d’aussi droit peut-il supporter un tel bordel ? » avait-il entendu maintes et maintes fois. Pourtant il était seul ici, personne n’avait à s’en plaindre.

Sortant, Etheran sentit un vent frais porter ses longs sourcils, et aperçut Dorn Leezan son voisin franchir la plaine, un sac de toile grise sur les épaules et la barbe toujours fournie. Ses bras couverts par une sorte de pull gris trahissaient un exercice régulier, ce que n’exigeait en rien sa retraite amplement méritée. Sans doute revenait-il du village avec des matériaux quelconques ? Les anciens mercenaires ou soldats recyclés ont souvent cette fâcheuse tendance à reproduire une sorte d’état de travail aliénant.
Encore s’agît-il d’une vague supposition.

Afin d’atteindre au plus tôt le manoir, Etheran emprunta le sentier nord, la tension l’empêchant de détourner le regard vers un étang, ou saluer les arpenteurs de l’œil. Pas un instant il ne le détourna de ses chausses ni ne bifurqua – partagé entre lassitude et empressement. Même en temps de paix, les routes n’avaient jamais été aussi calmes, comme les portes de Rauros avaient nécessairement été fermées aux visiteurs.

« Jeune maître ! Le Capitaine des archers l’attendait de l’autre côté du pont, une main posée sur la garde circulaire de son sabre, l’autre sur une rampe de pierre. De toute évidence une semaine tranquille n’avait pas suffi à l’apaiser.
- Vous êtes tendu. Que puis-je ? » Le forestier acquiesça. A quoi bon nier ? La discussion qui s’ensuivit, une succession de politesses malavisées, bifurqua vite sur la personne du démoniste, tel qu’il avait été présenté par l’inspecteur Henry. Absolument rien ayant trait à la gangremagie n’avait été détecté par les arcanistes, même après l’abandon du puits à ses reflux féeriques. La doyenne persistait dans son mutisme, à craindre le danger, et ses visions avaient été finalement acceptées par une majorité des hauts dignitaires du domaine. Alors qu’attendait-il pour agir ?
« Je dois encore prendre part à l’un de ces conseils ronflants, au manoir. Allez donc profiter du beau jour pour questionner vos ouailles – vous gagneriez aussi en assurance. » Thalon se souciait-il réellement de sa légitimité, ou préférait-il céder les basses besognes à l’ancien agent du seigneur ? Et puis, ce n’est pas comme s’il s’en souciait, cet éphèbe aux yeux morts.
Alors il décida d’obtempérer, dédaignant sa tâche du matin, qui consistait à prendre part aux affaires commerciales, diplomatiques, ou les deux, pour préparer sa succession.

« Peu importe. »

Vaquant en Cimétoile, Etheran constata rapidement que, même l’auberge avait été désertée par ses résidents d’un soir, un bourdonnement incessant s’échappant des fourneaux pour dissimuler les maigres discussions se tenant à l’intérieur, au bord d’une tablée.
Néanmoins, il s’échappait un rideau de fumée scintillante d’une fenêtre ouverte, à l’étage – typique des fumeurs de narguilé. Aucun état d’urgence, même lancé par le patriarche, n’aurait su embrayer une machine vivante.

Alors qu’il s’apprêtait à pénétrer ledit bâtiment pour enquête, un nouvel homme l’interpella, mais cette fois il ne s’agissait pas d’un régulier. Le neveu bâtard du grand administrateur revenait en Rauros après des mois silencieux passés sur le front, car sa condition d’apprenti de la Tirisgarde ne lui permettait en aucun cas de favoriser les siens.
Préférer au bonheur les responsabilités – un principe appréciable.
Rapidement il apprit pour la quarantaine, les mesures drastiques prises par Sinthael, aussi abusives soient-elles, et surtout l’arrivée du vieux sorcier.

« Henry Tesla, dis-tu ? En dépit d’un sang noble, Roland avait grandi parmi les miséreux, et lui pouvait ainsi s’adresser poliment tout en usant d’un jargon familier, certainement moins artificiel que toutes les mimiques de l’héritier. Il me dit quelque-chose, ce nom.
- Peut-être vous êtes vous croisés sur les îles ?
Le nez froncé, il dégagea son front d’un geste du poignet – son tic – et secoua derechef. Etheran lui, n’avait pas quitté son faciès indifférent, quoique frappé d’un rictus nerveux, et s’efforçait de présenter les choses en toute objectivité, n’oubliant pas les inquiétudes du Capitaine.
- Le Kirin Tor a connaissance de ma parenté, s’il avait envoyé un agent ici, j’aurais sûrement été mis au courant. »

Les minutes passèrent, et un trouble croissant se lisait sur les traits du demi-elfe. Sûrement le fait que même son oncle n’ait pas jugé nécessaire de l’avertir d’un tel événement. Pressé par les contradictions, il décida finalement de repartir pour la cité volante, et de recueillir des informations.

« Je te rejoindrai avant la tombée de la nuit. »

Roland parti, il ne restait plus à Etheran qu’à consulter les premiers venus – sans grand succès. Boulangers et commerçants n’avaient été témoins d’aucune sorte d’intrusion, ou même de l’arrivée d’un importun en la personne du démoniste – dont il préférait encore taire la nature, craignant de créer ce fameux mouvement de foule qu’évoquait Sinthael.
L’après-midi bien avancé, il décida finalement de retourner chez lui, d’attendre que vienne le crépuscule et le neveu bien renseigné – du moins l’espérait-il ? Il s’allongea parmi les herbes, la tête reposée sur une racine couverte de mousse – Il s’y sentait bien. Au fond, quelle importance s’il arrivait malheur aux gens ? Il n’en était certainement pas responsable.

Aux pieds de son arbre, il cessa bientôt de penser.
Mais le répit fut de courte durée.

« Etheran ! Lève-toi, il faut prévenir mon oncle au plus vite. C’est terrible !
- Plaît-..il ?
L’elfe émergeait plus ou moins, une main sur son visage illuminé par la clarté lunaire. Roland suait à grosses gouttes, téléporté récemment – pressé par un danger imminent ? La voûte voguait déjà à plein régime dans le ciel, et il s’en était fallu de peu, que l’héritier ne se soit pas réveillé à temps pour la veillée. Une veillée ?

« Cet homme avait été laissé pour mort sur le rivage. Il faut le retrouver, avant qu’il ne soit trop tard ! »
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyMer 8 Nov - 20:22

Citation :
« Qu’ils n’oublient pas cette nuit. »

Henry franchissait les bois séparant Cimétoile de l’unique tour de guet mitoyenne à l’îlot du puits, non sans s’arrêter pour admirer les reflets irisés du dôme recouvrant Fort-Maelon. Ces elfes et nobles suffisants avaient toujours manqué de perspicacité, au profit d’une vie anormalement longue ; si confortable ; tout du moins, pour une conjecture idéale. On n’a pas idée de gâcher pareil talent. Des filaments se fixaient au bouclier, superposant les couches jusqu’à rendre sa surface pratiquement opaque. Un travail d’orfèvre – mirifique. Chaque soir il quittait le manoir, prétextant enquêter ou passer à l’auberge – tout cela pour justifier son absence en un temps précis – crucial.

Des volutes lumineuses s’échappaient toujours du puits, même après le départ des arcanistes. Les bougres n’étaient pas pressés d’en finir – fort bien, il ne serait que plus agréable d’en siphonner l’énergie.

Vissé au sol par son bourdon, il convoqua un voile magique, disparaissant aux yeux les plus attentifs – qu’ils soient ou non humains. Même sous le feu braisé, la première sentinelle ne perçut aucune sorte de présence, sûrement trop occupée à tailler une flèche ? Un geste suffit – le sorcier congela l’importun en saisissant à pleine main son visage sans marques. Franchir ensuite les marches de la tour fut autrement plus éprouvant, eu égard au poids des âges, mais il le fallait. Sa robe traînait dans les escaliers, grisée à sa base par des décennies de marche, mais il devait poursuivre.

A l’étage, un autre archer avait les yeux rivés sur le poumon arcanique de Rauros. Egalement peu méfiant quoiqu’il ne fût pas à blâmer ? Ce n’est pas comme si ce démoniste avait un jour existé. D’une impulsion, le sorcier le fit basculer dans le vide, sans qu’il eût pu crier ni jurer.

« Enfin. Tu es à moi. »

L’instant suivant un flash lumineux, Henry caressait les rebords du puits laissé sans surveillance – les patrouilles se limitaient, à sa demande, essentiellement aux environs de l’œil et Delande depuis deux jours. En trempant un doigt ridé dans le bassin de puissance, le sorcier sentit une énergie nouvelle l’investir – comme une seconde jeunesse – mirifique ! Mais il n’avait pas de temps à perdre – personne ne devait sortir du dôme comme il était hors de question de laisser les archers se masser aux bords de la rivière.

Puisant allègrement dans sa nouvelle source, il figea les résidents du bouclier, constituant une prison à l’épreuve des intempéries, dans l’hors-temps. Puis il avait toujours affectionné une école parmi les plus fantasques et créatrices.
L’esprit en pleine effervescence, il composa – une forme, un visage, de longs bras pourvus de griffes et surtout une silhouette imposante – un ventre capable de tout assimiler et broyer en ce qu’il concentrait les traits néantiques les plus purs. Bientôt, une anomalie s’éleva près du père, furieuse même de son existence.

« Va. »

Et elle jaillit, ravageant arbres et produits de la faune, progressant parmi les fourrés en foudroyant d’un regard tout obstacle, ne laissant à son sillage que branches calcinées et rochers fendus. Et tandis que le faisceau du puits s’emballait, sa force allait croissante – ce n’était plus qu’une question de secondes avant qu’elle n’atteigne le grand hameau. Cimétoile.

Son hurlement désincarné résonna dans tout le domaine.

Henry contemplait son œuvre avec la satisfaction d’un dieu, ou bien d’une mère nourricière ? Qui sait.
Dès lors que les forestiers accourront pour défendre des civils innocents, sa créature les détruirait, dévorerait comme l’instrument du malheur qu’il n’avait jamais su imaginer – jusqu’au dernier. Que les coffres du manoir soient enfin accessibles. Car il serait aisé de balayer une poignée de mages et golems avec le fruit d’un mois complet de canalisation – d’autant qu’il était enfin parvenu à situer, grossièrement, les trésors de Rauros parmi les longs et tortueux couloirs de Fort-Maelon.

Argus brûlait la voûte comme le soleil en plein jour.
Jamais elle ne lui était apparue si belle.
Si terrible.

Plus encore que cet inquisiteur qui avait su réveiller d’anciennes croyances, une ambition que l’humilité du Kirin Tor l’avait contraint de taire. Sa frustration avait explosé – maintenant il voulait vivre et créer. Sans comptes à rendre aux mages, démons et même les anciens dieux. S’emparer du plaisir de Rauros, ce domaine minable, une étape vers la grandeur.

« Pauvre Sinthael – tu ne m’avais pas manqué. »
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptySam 11 Nov - 13:12

Citation :
« Tu l’as entendu ?! »

Roland s’était interrompu dans sa course pour croiser le regard de son comparse habituellement amorphe – évidemment qu’il l’avait entendu, même un sourd aurait compris au souffle du vent que quelque chose n’allait pas – qu’une horreur allait surgir d’un moment à l’autre. Quelque chose de l’air avait changé. Ils venaient tout juste d’arriver à Cimétoile, et déjà les civils sortaient de leurs chaumières, affolés. Les plus naïfs pensaient assister à une quelconque célébration : un feu d’artifice peut-être ? La seule vue de la créature suffit à les faire déchanter – de ses yeux pulsaient des éclairs tandis que ses bras saisissaient les troncs. Sa silhouette instable lui permettait de léviter un mètre au dessus du sol déformé par un torrent de magie.
La taille d’une maison.
Colosse d’énergie pure.

« Une aberration arcanique. FUYEZ ! » Le Sergent Lemian en charge de la défense du cœur de Rauros ordonna aux factionnaires de se rassembler à la lisière du village.

Etheran n’était pas quelqu’un d’impressionnable, d’ailleurs il avait maintes fois bravé les tempêtes et batailles sans craindre pour sa vie –  comme Roland avait lutté pour défendre le régiment urbain des troubles hurleventois. Pourtant les deux jeunes hommes dévaluèrent leurs poids, sentirent leurs genoux plier – affronter cette créature ne rimait à rien.

« Je vais tenter de trouver de l’aide au manoir – ce n’est pas normal ! Quelqu’un aurait dû en sortir depuis tout-à-l’heure.
- Il faut frapper le mal, à sa source. »
Roland dévisagea l’héritier en devenir comme s’il était un étranger, ou bien complètement fou ? Il devait bien y avoir quelqu’un derrière cette créature, sûrement le sorcier en personne. Mais seul ? Le temps leur manquait, et il n’était pas question de le retenir cependant que les forestiers se déployaient pour attirer la créature hors du hameau – évidemment en vain.

« Je m’occupe de lui. Ainsi que Père l’aurait fait à ma place. » Mais il n’était pas son père – n’avait rien de son expérience, même de ses pouvoirs.
Il le devait à ces terres.

Les deux mages se séparèrent donc, le premier bâtard se dirigeant vers le dôme arcanique pour quérir le soutien de son oncle, tandis que l’autre pâlichon quittait Cimétoile pour rejoindre l’îlot du puits d’étoile, espérant y trouver le responsable de cet état de crise.

Un fracas magistral les fit bondir en chemin : la toiture de la boutique de poteries venait d’être arrachée – suivie de près par la boulangerie. Un groupe d’archers menaient les civils exposés à l’extérieur tandis que d’autres braves, arcanistes et vétérans, se levaient pour frapper l’anomalie. Projectiles ou sortilèges – rien ne l’atteignait. Elle se contentait de tout absorber, de grandir à mesure que les énergies du puits s’élevaient dans le ciel comme autant d’arcs polychromes.
C’est cela, le puits. Le sorcier devait canaliser ses sortilèges depuis cet endroit – Etheran s’y rendrait donc.

Simplement en apposant sa paume sur le bouclier préventif, Roland saisit toute la perfidie de l’inspecteur déchu : « Une prison de stase ! » Identique à celles du Fort Pourpre, il n’aurait jamais cru cet Henry capable d’une telle prouesse, seul. Mais il ne l’était probablement pas ? Le puits nourrissait à présent le moindre de ses charmes, et lui devait trouver quelque chose pour réveiller les premiers protecteurs de Rauros.

Mais quoi ?

Etheran atteignit enfin la tour de guet, constatant avec effroi qu’un archer avait été congelé des pieds à la tête, le visage figé dans une sorte d’effroi. Il agita donc les doigts, malaxant l’arcane pour défaire le sortilège et libérer le pauvre homme, toujours inconscient. Hélas il n’avait pas le temps de s’en occuper outre mesure – les cris de panique continuaient de surgir dans le lointain.
« Jeune-… maître. Il pivota pour faire face à l’autre sentinelle. L’elfe rampait sur ses coudes, une jambe fracturée et sûrement douloureuse. Il faut.. l’arrêter. » L’héritier voulut l’aider à se redresser, mais c’était inutile, la chute avait sûrement brisé ses appuis. Alors il releva le menton, et adressa aux cieux une fusée de détresse, espérant que des soigneurs y prêtent attention – soutenant ensuite le regard du blessé, il franchit les bois et, approchant la rive, contempla cette scène avec stupéfaction.
Henry ne se contentait pas d’exploiter la fontaine pour amplifier ses sortilèges ou la créature lâchée sur Cimétoile. Il l’absorbait, faisait sienne sa puissance – aussi ridicule puisse-t-elle être face au Puits de Soleil. Sa barbe grise avait à présent des reflets bruns – il rajeunissait ?

« Eh bien. Nous n’attendions pas d’invité – approchez, jeune homme. » Quoique son attention fût rivée sur l’objectif final, le sorcier avait senti le quel’dorei approcher. Pis-encore, il l’attendait de pied ferme.
Qu’à cela ne tienne.
Etheran matérialisa un pont de glace pour franchir la rivière, et courut aussi vite qu’il le put – pas assez car Henry eut tôt fait de le briser, rejetant à l’eau son adversaire. Comme il sentait le courant anormalement puissant vriller sa poitrine, l’elfe n’eut d’autre choix que de se téléporter comme l’avait fait le sorcier auparavant – et parvint enfin à l’atteindre. Tout du moins, ils se faisaient face – un premier gorgé de magie, et fort de son esprit limpide, et l’autre certainement encore affecté par le corps désastreux de l’anomalie.

« Vous voilà trempé, monsieur Etheran. Puis-je vous aider ?
- Renoncez. »
Le sorcier dégagea ses lèvres pour s’esclaffer, le visage déformé par un rictus moqueur. Renoncer, maintenant, alors qu’il était en position de force ? Absurde.
- Menez-moi au trésor de Rauros, et peut-être arrêterai-je de tourmenter vos gens. »

Pour toute réponse, le jeune maître écarta les bras, pensant couvrir son adversaire d’un voile arcanique suffisamment puissant pour inhiber ses pouvoirs, et le contraindre assez de temps pour permettre à ses alliés d’arriver – mais c’était sans compter sur les pouvoirs qu’il avait acquis – non seulement Henry brisa sans mal la prison, mais il projeta des chaînes et figea aussitôt Etheran au sol.

« Les visions de votre doyenne m’ont bien aidé. La pauvre ne mesurait plus l’écart entre ce qu’elle voyait, et ce que mon expertise impliquait. De la manipulation d’information, pure et simple. Mais elle avait raison sur un point. Une flamme verte se mit à briller au creux de sa main, gangrenée. Et bientôt un rocher embrasé fusa en direction d’Etheran, l’impact seul balayant les flots. Pour vaincre la Légion, il faut savoir faire des sacrifices. »

Roland tentait depuis quelques instants d’établir une communication avec l’intérieur de la prison – mais bien sûr, tous étaient figés dans une sorte d’espace échappant aux lois de la physique et du temps. Quelques mètres plus loin, une poignée d’archers parvenaient tant bien que mal à défendre les civils, et les blessés se comptaient déjà par dizaines. Jamais Rauros n’avait connu une telle crise, depuis la Première Guerre tout du moins.
Une seule solution – il devait pénétrer la barrière, mais si bien érigée par ses propres camarades, elle constituait un second obstacle à la défense du domaine.

Il pria. Espérant que les choses se profilent du côté d’Etheran.

En effet, l’elfe se libérait de ses chaînes, pratiquement indemne cependant que la flamme inextinguible avait bien calciné un pan de ses vêtements – mais sa peau couverte d’une membrane arcanique plus que jamais épaisse le préservait des maux comme du Soleil aimé – et maintenant qu’il avançait d’un bloc, il semblait au sorcier qu’il affrontait un mur de briques – ou peut-être cet oiseau immortel en ce qu’il venait d’échapper à une mort certaine ? C’est cela, le roc au blanc manteau.

« Renoncez. »

Comprenant qu’il ne pouvait décemment user de la gangremagie sans risquer de perdre le contrôle de sa créature, Henry prit le risque de ponctionner plus avant les énergies du puits, conjurant des salves entières de javelots gelés. Mais ceux-là ne firent que glisser sur les protections du jeune héritier qui continuait d’avancer, le regard résolument fixe et ses lèvres ne trahissant aucune émotion superflue ni faiblesse.
Elle était ailleurs.
Sa posture.
Il avançait lentement et limitait ses mouvements au point de ficher son unique arme, joindre les bras au corps, se constituant une statue de marbre inébranlable. Mais ainsi, il lui était sûrement impossible d’agir ou lancer le moindre sortilège. Il regretterait cette négligence.

Etheran s’immobilisa à quelques mètres de son adversaire, jaugeant la situation comme sa luminance – il devait le faire. Puisque Père n’avait pu être prévenu, que même les plus puissants arcanistes de Rauros se trouvaient en l’état paralysés – il devait le faire. Les yeux ancrés à même le puits, il assouplit sa membrane pour permettre une plus grande liberté de mouvements. Les secondes parurent durer une éternité, il fit un premier pas. Puis un deuxième – le sorcier n’avait pas bougé. Un troisième – il devait y arriver. Mais avant d’avoir pu lancer le moindre sort, il sentit ses entrailles bouillir.
Sa barrière se brisa en une multitude de flocons translucides, et l’explosion pyrotechnique acheva de noircir sa poitrine, le laissant haletant. Il voulut ramper, plongeant les deux mains dans la terre humide de l’îlot, mais un nouvel éclair le força à lâcher prise.

« Idiot, tu aurais mieux fait de rester au village et périr comme les autres. » Henry contemplait le corps convulsé du jeune elfe, satisfait et irrité. Fait étrange, il l’avait vu planter son bâton au croissant dans le sol avant de croiser les bras ? Un simple bout de bois que le souffle de l’explosion avait sûrement envoyé faire trempette.
Encore conscient, Etheran leva une main fluette pour conjurer un projectile arcanique, vite contenu par le bouclier du sorcier, prévenant. Mais peut-être pas assez ? Car voyant son ennemi sombrer, il décida de cesser de puiser dans ses réserves, et tourna les talons pour retrouver la source première.

« Finissons-en. » Il posa une main sur le rebord du puits.

Alors une formation de bois fendit la pénombre, frappant au visage le sorcier. Le revers du bâton fut si violent, et l’homme à ce point troublé qu’il mordit la poussière et parut perdre connaissance l’espace d’un instant.
Thal’an retomba mollement au sol, cette fois privé de magie. Et Henry se redressa, le visage tuméfié mais surtout déformé par la rage – un regard suffit à le conforter. L’assaut se poursuivait en Cimétoile, comme le dôme magique n’avait pas disparu.

« J’ai assez perdu de temps avec toi, petit. » Il tendit la main, et les énergies convergentes du puits formèrent bientôt une sphère de magie parfaite.
Mais à ce moment précis, une flèche enchantée, sûrement tirée depuis la tour de guet, se ficha dans la structure encore instable qui explosa au nez et à la barbe du sorcier, et obscurcit encore ses pensées quoiqu’il parvint à l’absorber péniblement. A présent il n’était plus que rage, et ses vieilles résolutions passèrent au second plan – levant un bras, il rendit à son bourdon son apparence originelle : une canne d’acier surmontée d’un cristal crépitant, dont la teinte neutre vira rapidement au vert émeraude. Comme si la nature même du puits avait été altérée – le ciel fut bientôt envahi par le gangrefeu, couvrant l’îlot entier et surtout les environs du cœur de Rauros. La vision de la doyenne venait de se concrétiser.

Etheran releva le nez sans pouvoir distinguer autre chose que les pieds du vieil homme. Au loin, une lumière vive et chaude envahit ses prunelles – comme une cascade reflétant l’éclat solaire pour mieux avorter cette mer de bubons.
Ses dernières pensées allèrent à son Père.
Puis il perdit connaissance.
Il ne sentit par les éclairs purulents lécher son dos exposé.

« Eh bien. Quelle histoire mon bon ami. »
Henry vit son bâton s’éteindre, et surtout se dérober à ses doigts pour rejoindre Sinthael. L’îlot s’était trouvé trois nouveaux résidents en la personne de l’administrateur, mais aussi du maître d’armes et enfin du jeune demi-elfe qui se tenait l’échine pour ne pas succomber à l’épuisement – mais il y était parvenu.
Pourtant le dôme n’avait pas encore disparu.

« Oser lever la main sur l’un des nôtres, en usant d’un artifice de basse extraction – quelle honte. Jaugeant la canne sous toutes ses coutures, Sinthael prononça quelque mot de pouvoir, et celle-ci se décomposa en un petit tas de poussière dorée – Henry lui, restait sans voix. Poudre d’illusion ? J’ai toujours su que vous n’aviez aucun goût, mais à ce point ? »
Le sorcier voulut reprendre la situation en main, appuyé par les énergies turbulentes qui ne parvenaient à reprendre leur couleur d’origine, mais c’était sans compter sur la vélocité de Myriel le conjurateur. Des épées vinrent se ficher dans le bouclier de mana, innombrables. Fracturé en de nombreux points, il implosa sous les yeux horrifiés du pauvre homme.

« Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » Les mots de Sinthael résonnaient à ses oreilles comme des poignards – et avaient sûrement la même vocation assassine. Sa réponse important peu, il tenta enfin de se transposer – mais une ancre magique le tint bien au sol, car même le neveu de l’administrateur avait des ressources.

Au village, les renforts de la garnison de Fort-Maelon se mêlaient à une contre-offensive menée par le Capitaine Thalon Mirevent en personne. Chacun soutenait les chaînes dorées conçues par certains des meilleurs enchanteurs de Rauros, et tirait ainsi l’anomalie dont le poids et l’effort diminuait à vue d’œil. Enfin, le sorcier s’affaiblissait.
Et bien qu’il en eût conscience, il se trouvait dans une situation par trop désespérée pour se détourner des protagonistes du domaine.

« Myriel, occupez-vous en. » Sinthael purgea les eaux du puits d’un geste, enfermant dans une boîte  sans fond ni reflet les relents gangrenés tandis que le maître d’armes saisissait une bâtarde fraîchement conçue. En dépit d’une silhouette fine et élancée, il avait toujours su manier ses formations avec brio, et atteignant le périmètre du mage Henry, frappa sa tempe d’une garde illusoire.
Voyant le sorcier s’effondrer et sa robe souillée, Roland se détourna du monde pour chercher son partenaire, l’apercevant inerte à l’autre bout de l’îlot, son bâton traînant plus loin tout aussi vide.

« Etheran ! »
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MessageSujet: Re: Banalités du roc   Banalités du roc EmptyMer 15 Nov - 23:11

Citation :
« Si tu ne t’en sens pas capable, dis le moi. » Findol tournait le dos à son fils pour avoir une vue d’ensemble sur la végétation foisonnante de Rauros – sa cape frappée d’une salamandre charriée par un vent irréel, et ses cheveux à l’argent parfait s’écoulant en cascade, bouclés et scintillants. Etheran osait à peine se redresser, pris en tenaille par des intentions paradoxales : faire l’orgueil de son père ou devenir quelqu’un à ses yeux – les siens aussi. « Tu n’as rien à prouver. » Si seulement ! S’il pouvait trouver la paix et le soutien de ses pairs.

Un objet métallique s’écrasa à ses pieds dans un craquement sinistre – sûrement le plancher. Alors il contempla ce trident aux formes figées dans le parquet ciré – sa hampe sertie et renforcée par des plaques d’or entrelacées – l’arme légendaire des Elensar, aujourd’hui Ancresoleil. On la trouvait volontiers entre les mains de statues d’anciens seigneurs.
Un jour le verrait digne de s’en saisir. Alors même qu’elle était perdue depuis des millénaires.
Saisir une idée.

Il se pencha, tâtant l’armature avant de l’empoigner fermement comme il l’avait toujours fait avec son bâton. Puis il voulut le soulever, ce trident, mais les forces lui manquèrent. Lourd, bien trop lourd pour ses bras si maigres. Un poids tout-à-fait absurde, celui des responsabilités.
« Qu’as-tu ? » Findol pivota pour apprécier cette déception, également ancrée dans ses prunelles acérées. Etheran gémissait, ses mains tremblant au contact du métal brûlant. Et l’espace s’effondra pour laisser chuter l’héritier avec au cœur cette douleur infernale.
Henry brandissait sa canne depuis les cieux.
Des éclairs s’abattaient sur la terre jadis fertile de la forêt d’Elwynn.

Alors il se réveilla dans ses draps blancs, une brise s’échappant des volets ouverts. A la vue de son torse bandé, et surtout des peintures et joyaux rupestres, il comprit qu’il se trouvait au manoir – cette chambre qui l’accueillait rarement. Il n’était sans doute pas bâti pour une vie luxueuse, et l’idée même d’être écrasé par un baldaquin satiné le terrifiait.
La jeune Anastasia Leblanc, talentueuse apprentie du maître d’armes, veillait sur une chaise. Sa tignasse rousse reposait paisiblement sur ses épaules, et son menton sur le dossier pour figurer un sommeil profond. De si près, il y avait quelque chose de l’ange dans son visage tiré par l’effort et pourtant serein.

L’elfe saisit son bâton posé contre le lit et bascula pour se lever – mais il lui semblait marcher sur de minuscules morceaux de verre tandis que sa poitrine frappée le suppliait de rester là. En dépit d’un effort immense, il ne parvint d’ailleurs à s’éloigner des colonnes de fort-Maelon, achevant de cracher ses poumons sur un fauteuil un peu trop dur, judicieusement installé au détour d’un couloir aux tons automnaux.

« Tu n’aurais pas dû te lever – ce n’est pas prudent. Le demi-elfe aux mèches couleur de suie l’avait croisé en se dirigeant vers l’infirmerie improvisée. D’ailleurs il s’essuyait les mains avec un chiffon déjà taché de sang. Un vrai gamin. » Ancien infirmier en chef de l’Urbaine, il avait sûrement passé la nuit à prodiguer des soins notamment à l’héritier, comme en témoignaient ses paupières trop sombres pour être simplement maquillées.
« Que… s’est-il passé ?  Trop de questions se bousculaient dans la tête d’Etheran, son unique souvenir de la soirée se résument en un halo doré illuminant les montagnes.
- Je vais tout t’expliquer, si tu me promets de ne pas forcer – et surtout de retourner t’allonger ensuite. » Pour seule réponse, le jeune maître posa ses yeux vides sur son interlocuteur.

« Merci. Tout d’abord, j’étais incapable de défaire la prison seul – et l’anomalie menaçait de ravager le domaine entier ! J’ai tenté de contacter mon oncle sans succès […] Il poursuivit pendant de longues minutes, livrant un tableau apocalyptique de ce champ de bataille que Rauros avait jusque alors soigneusement évité. Puis je ne saurais l’expliquer comment, mais la structure s’est affaiblie, et j’ai pu me transférer à l’intérieur – tout le monde se remettait péniblement d’une transe forcée […] Etheran s’attarda sur les doigts fins et usés du neveu de Sinthael, car il avait connu une vie de labeur avant de trouver sa place en ce monde. Alors nous nous sommes rassemblés aux pieds du manoir – avons emprunté les galeries ayant servi aux civils de fuir lors des invasions orques. Ce fou n’a certainement pas vu la cascade se fendre pour nous laisser sortir. C’était donc cela, la lumière. J’ai téléporté mon oncle et Hautelame au puits, puis la vieille Sharis s’est occupée des forestiers restés dans la garnison, et surtout du Capitaine ! »

Le laps de temps entre ce coup reçu par le sorcier et l’arrivée supposée des renforts avait été si large ? Quoi que n’écoutant que d’une oreille, Etheran en vint à douter, comme l’écoulement du temps semblait totalement discordant à ses yeux. « Et cet homme, Henry ?
- Nous l’avons confié au Maréchal du Val d’Est dans la journée, escorté par des mages geôliers hurleventois. J’ai personnellement transmis nos amitiés au Kirin Tor et, il est bien possible que ceux-là cherchent à juger sa trahison à présent avérée. » Le savoir sous contrôle avait déjà quelque chose de rassurant. D'ailleurs il sentit un poids le quitter, et sa confiance gonfler ne serait-ce qu'un peu.

Aux dires du demi-elfe, les dégâts étaient certes importants mais superficiels, les pertes minimes. En outre l’administrateur s’inquiétait davantage du coût des réparations que des nombreux blessés.

« Ton père a bien sûr été averti de la situation, et s’est réjoui d’apprendre que son fils avait vaillamment défendu nos terres. » Réellement ? Alors il devait être fier de lui – la douleur s’effaça bientôt au profit d’une joie immense qu’aucune expression d’Etheran n’aurait su retranscrire exactement. Sans broncher, il se laissa guider jusque dans son lit. Anastasia avait sûrement quitté les lieux car il trouva sa chaise vide.

Un soleil de plomb frappait de ses rayons les arbres renversés et pensées qu’un froid naissant ne pouvait agresser. Des hommes circulaient librement dans sa chambre – prendre des nouvelles du seigneur en devenir peut-être ?
Un jeune quel’dorei allait clopinant vers la garnison de Fort-Maelon à l’extérieur, soutenu d’un côté par son camarade et de l’autre une béquille – En lui Etheran reconnut le blessé qui l’avait incité à poursuivre sa route. Même à l’article de la mort, la jambe en miettes, il avait décoché une flèche, lui avait sûrement sauvé la vie et préservant par la même l’avenir de Rauros.

Une banalité en fait. « Les petites choses font l’histoire. N’est-ce pas ? » Personne ne l’écoutait ni ne le vit parler, pourtant et malgré lui, il sourit.
Ses lèvres glissèrent, enfonçant les joues du roc immuable.
Passionnément, il sourit.
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