Moi je, Samuel Flibuste

Une personne venait de sortir du dortoir. En s’ouvrant, la porte avait fait appel d’air ; Samuel en frissonna. Il replia les jambes, contracta les orteils et, frileusement, s’enroula dans un drap qu’hier soir encore ne le recouvrait pas. Il tenait en bouche un angle de son oreiller qu’il mâchonnait en marmonnant quelques mots. « Elizabeth… Tan-Tan-aaah… »
Le réveil serait pour plus tard.




Les minutes puis les heures avaient tourné. L’entraînement matinal et commun allait commencer. On jeta quelque chose à la figure de Samuel qui grogna, se plaignit qu’on interrompait un rêve agréable. « L’entraînement va commencer. Si tu es en retard, Siorai va te faire faire cent pompes. »
A la menace, le chaman s’extirpa aussitôt de son lit. Un râle désapprobateur accueillit son geste.
« Et la prochaine fois, tu te couches pas à poil. On pourrait t’appeler l’asticot, toi aussi. »
Samuel dressa et sourcil et s’observa. Nu comme un ver, sa peau avait retrouvé sa couleur mordorée.
Il ricana bêtement et enfila l’uniforme, prêt à démarrer la journée.
Les désagréments de la veille n’affectaient plus son moral et, à l’inverse, il abordait ce nouveau jour comme une chance, une occasion de donner le meilleur de meilleur de lui-même aujourd’hui.

Il avala en quatrième vitesse le petit déjeuner et fonça à l’entraînement… avec un peu de retard. Siorai saurait lui pardonner, du moins il l’espérait.




La bataille allait commencer. Il s’empressa de gagner les remparts en courant, avalant les marches de l’escalier quatre par quatre et puis… il l’aperçut. Cette marée noire de morts-vivants. Instantanément ses jambes se mirent à trembler, ses dents, à claquer.

C’était la Mort en face d’eux.

C’était la Mort et elle venait le chercher. Il eut envie de faire demi-tour, de fuir… mais pour aller où ? Et pourquoi ? Il savait dans quoi il s’était engagé ; il savait devoir faire face. Quoi qu’il arrive. Pour eux.
Pour lui.

Il en avait assez d’être un couard. En rejoignant la Rétribution, il s’était fait une promesse. De prouver à M.Groteille qu’il avait eu tort sur son compte. Qu’il n’était pas un incapable, un moins que rien.
Et jusqu’ici, il ne s’était pas trop mal débrouillé. Les éléments réagissaient à ses appels, y répondaient. La terre s’était fendue en deux pour couper l’assaut de cette armée mort-vivante.
Mais quand la gargouille s’empara de lui, il eut beau appeler à l’aide, personne ne vint le sauver.
Il hurla de douleur, le dos ravagé par les griffes de la gargouille.
Il hurla de douleur, à son bras arraché.
Et il hurla de terreur en voyant la marée noire se rapprocher.