Sa mère tint de longues années un journal relié de cuir, dont les pages jaunes livrent des fragments de vie ; la sienne, celle de son fils Giles, ou d’autres...
Je ne comprends pas. Ai-je raté quelque chose ? J’ai beau réfléchir, la réponse m’échappe. Chaque fois qu’il me semble la détenir, elle fuit mon esprit ; c’est un flux inconstant, insaisissable, chuchotant des paroles inaudibles. Il n’y a qu’à tendre l’oreille mais... Là ! Plus rien. Ces voix se sont tues.
Qu’ai-je fait de mal pour qu’une telle rage l’anime ? Lui, mon petit garçon, pas plus grand ni plus fort que les autres. Hier encore il arborait un nouvel hématome et une hideuse bosse à la tempe ; je m’effrayais de sa lèvre fendue et de son pantalon déchiré. Giles s’est réfugié dans le silence plutôt que de nous raconter ; son père l’en a puni et privé de dîner. Plus tard je lui apportais de quoi se requinquer mais il demeurait muet dans mes bras ; son visage rond fermé et rouge.
Il refuse de se confier à moi alors je le cajole. Je ne puis faire que cela.
Il s’est vite endormi ce soir, et quand j’eus passé mes mains dans ses cheveux emmêlés, un sourire triste me vint.
Par quoi es-tu tourmenté mon fils ? Par qui ?