Rumeurs de la compagnie

Musique hrp pour lire le texte:

Les affaires du Sergent sont bien rangées à côté de sa couche de mercenaire. Parmi elles, l'on retrouvera les vingt-sept marques noires dans une petite bourse de cuir, également des échanges de lettre datées des jours précédents entre la Cathédrale et le sous-officier. Sous l'oreiller se cache un petit dessin confectionné d'une main d'enfant représentant Lomerak, sa défunte compagne et le gamin lui-même Danath.

Des bandeaux de soie précieux aux différentes coloris de bleu sont noués minutieusement et semblent n'avoir jamais été froissés. Plusieurs livres sont disposés juste à côté du lit : un premier codex des Lois de la Cité Blanche, un autre codex du garde, un livre de prières, ses mémoires rédigées et calligraphiées depuis tout ce temps et enfin son testament.

Citation :

"Elle m'accueille dans ses bras, moi Lomerak Owein,

C'est avec honneur et dévouement que j'accepte mon trépas. Je rejoins ceux à la volonté inflexible qui ont péri avant moi dans l'exercice de leur devoir. Vous m'avez inspiré et guidé tout au long de mon chemin par l'enseignement précieux et vos valeurs véhiculées durant votre vie. J'ose espérer avoir fait tout aussi bien que vous auprès des gens que j'ai pu rencontrer.

Mon fils, ces premières lignes te sont toutes dédiées. J'ai et je serai toujours fier du jeune garçon que tu es devenu. Ta voie t'appartient désormais, La Très Sainte accompagnera tes pas et tes parents veilleront toujours sur toi. Tâche d’écouter ton parrain, aussi têtu puisse-t-il être, il ne souhaite que le meilleur pour toi et a toute ma confiance dans l’exercice de ses fonctions.
J’aurais aimé tenir ta main un peu plus longtemps, ne fut-ce qu’un dernier instant pour te dire ô combien je t’aime. Papa et maman resteront tes deux héros préférés, ils sont dorénavant réunis, n’aie crainte pour nous. Veille sur tes grands-parents et sur ton frère de cœur. Que cette tristesse te soit passagère, enfant de Lumière.
Tu es promis à un grand avenir Danath, ton nom ne vient pas de n’importe qui, approprie-le-toi. N’oublie jamais ces instants de bonheur, transmets-les à ton prochain et rends ce monde plus beau à admirer.
Papa.
Par ces mots, je te lègue l'ensemble de mes économies.
Par ces mots, je te lègue mes plaques d’identification de la Garde de Hurlevent et de la Retribution.

Au Répurgateur Isadôr Aube-Cendres, vieux frère, j’ai rejoint ce pour quoi je me suis toujours battu avec hargne et acharnement. Je te confie mon fils, Danath. Tu avais sa formation sur les bras, je te rajoute à cela son éducation dans le respect des lois et de nos valeurs. Dis à ton fils que son parrain veillera toujours sur sa frimousse et que Danath se comportera désormais comme son nouveau frère. Je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as pu faire pour notre famille.
Puisse-t-Elle te Garder.
Par ces mots, je désigne le Répurgateur Isadôr Aube-Cendres comme tuteur de Danath Owein.
Par ces mots, je lègue à mon neveu l’effigie du Lion confectionnée par Taylor.

A mes chers parents, toute ma vie durant, je l’ai vouée à transmettre ce dont vous m’avez appris. Vos enseignements, vos valeurs inculquées et le goût du devoir. Je vous remercie pour tout cela, sans vous, je n’aurais pas été l’homme que je fus. Père, je ne regrette rien, j’ai chéri, aimé et défendu avec hargne nos terres. Mère, j’ai perpétué votre sagesse et transmis votre calme et votre inflexibilité à ceux qui m’étaient proches. Sachez que je vous aime tous deux.
Par ces mots, je vous remets l’épée que j’ai forgée, désormais familiale.
Par ces mots, je vous remets mon bouclier.
Par ces mots, je vous remets mon armure de garde.

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Au Commandant Laurelinn Hellenlicht, ce fut un honneur de défendre la cité sous votre commandement et ce durant ces longues années.
« La Garde est Une et Indivisible ».
Pour le Roy.
Par ces mots, je vous remets mon badge de sous-officier.

Au Major Karven Stolen, votre dévouement pour la Patrie et votre talent de diplomate n’aura eu de cesse de m’impressionner et de m’inspirer durant votre ascension.
Par ces mots, je vous remets ma fourragère.

Au Major Gasparius Porte-Martel, patriote de renom, me tenir à votre droite lors de nos révisions de troupe fit rayonner l’étincelle de fierté de servir le Royaume. Je vous remercie pour la confiance accordée tout au long de mon engagement.

Au Lieutenant Reed Fabre, ami depuis vos débuts. J’admire l’homme et l’officier que vous êtes devenu. D’une intégrité sans faille, vous avez amené cette légèreté qui vous sied tant. Je salue nos nombreux échanges à l’Intendance et nos discussions aimables autour d’un kawa dont vous seul avez le secret.  
Par ces mots, je fournis une caisse de bananes de Tel’Abim aux stocks de l’Intendance.

A Aliane Trias Anderson, amie depuis nos premiers pas dans le régiment. J’ai cru en vous et partagé votre confiance dans le respect mutuel. De vous, je retiens la témérité et l’audace des décisions prises en temps de crise. Je vous salue Capitaine.

A Calirae Ventis, confidente depuis toujours dans les bons comme les mauvais moments. Où que vous soyez actuellement, je vous adresse ma plus sincère bénédiction.
Par ces mots, je vous remets les bandeaux aux différentes teintes de bleu que vous m’aviez offert.

A Leizen Alrun, amie et oreille attentive. Une personne exceptionnelle, votre personnalité unique et votre empathie auront été d’un soutien incommensurable.
Par ces mots, je vous offre un pot de miel de Chantorage, je gage que vous en ferez bon usage.  

A Cornelius Maclane, fier défenseur de la Marche. Inspirant, charismatique, sachez que votre amour pour votre terre et pour le travail bien fait a gagné le cœur de la jeune génération. Je suis fier d’avoir servi à vos côtés.

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Au Capitaine Talvel Seth du « Lomerak », une rencontre étalée dans le temps, un bol d’air frais dans ce monde rongé par le mal. Je n’aurai jamais eu cette occasion de te glisser ces quelques mots qui t’auraient fait sourire. Sois heureuse, libre et fière d’indépendance, pour toujours.
Garde le cap, ne chavire pas et fais en sorte que le vent porte mon nom haut et fort à qui veut l’entendre.
Par ces mots, je te confie mon urne funéraire. Disperse mes cendres à bord du « Lomerak » sur les hautes mers, là où l’horizon n’a de limite que nos yeux.
Par ces mots, je te confie le morceau du drapeau qui m’a accompagné au sein de la Retribution.

A Niamh Némissia Greenhall des Verdures, proche amie depuis toujours. Nos discussions sur les hauteurs des falaises viendront à me manquer. Nous avons grandi et évolué ensemble, prenant tous deux des chemins opposés. Je ne peux que te souhaiter le bonheur que tu aspires depuis tant d’années, tu l’as bien mérité.
Par ces mots, je te lègue cette paire de menottes dont tu avais la fâcheuse manie de me chiper, cette fois elles sont tiennes.

A Roland Watshell, ami draconien, ces quelques mots pourront te surprendre et t’arracher un bref sourire. J’ai pu compter sur ton soutien indéfectible durant mon service, face à toutes les épreuves endurées. Je ne l’ai jamais oublié, sache-le.
Par ces mots, je te remets le coffre de banque n°973.11 contenant la barre de thorium enchanté que nous avions récupérée il y a six ans.

A Iris Claemoore, amie. Puisses-tu disperser les paroles de la Très Sainte dans les terres éloignées rongées par le mal. Sois la main ardente de la Justice. Apaise les cœurs de ceux qui t’entourent comme tu l’as toujours fait.
Par ces mots, je te remets le dessin réalisé par tes bons soins qui m’a accompagné depuis tout ce temps.

A Rislon Milloin, ami d’antan. Je sais ton appétit de connaissances et d’informations sans faille, ainsi je te confie ce qui m’a été de plus précieux à rédiger tout au long de ces temps difficiles.
Par ces mots, je te remets le livre de mes mémoires.

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Au Capitaine Assast Aldwyn, j’ai servi la Compagnie avec ce dévouement sans faille bien connu. Je quitte la Retribution en respectant mes idéaux, au combat et à la sauvegarde des miens. Je portais une grande estime pour nos discussions sincères aussi éphémères fussent-elles. Je tenais également à vous confier que le Capitaine Waldemarr Arenberg serait assurément fier de constater la renaissance du destin d'un impétueux voué au préalable à l'échec. Je vous remercie pour votre éternelle confiance.
« La Rédemption ou la mort ».

Au Lieutenant Xavers Trapp, éternel pilier de cette première ligne, vous avez mené vos hommes dans un gant de fer, les poussant dans leurs derniers retranchements afin de remplir la mission advienne ce qu’il advienne. La notion de sacrifice ne vous est pas inconnue et peu de gens sont enclin à la comprendre sans avoir appartenu à l’armée. Les décisions ne sont pas toujours simples à prendre et apprivoiser, aussi je sais pertinemment que vous agissez au mieux pour remplir l’objectif fixé. Nous jouterons ensemble à nos retrouvailles, d’ici là, retardez-les le plus longtemps qu’il vous soit accordé.

A l’Adjudant Gatsi Farey, ta clarté de jugement et ta motivation quant au respect de notre engagement vis-à-vis des hommes sous notre commandement ont été un soutien de taille durant ces quelques mois. Puisses-tu rentrer sain et sauf auprès des tiens. Je jure veiller et protéger Briséis dans l’au-delà, au côté de La Lumière.

Au Sergent Allen Brisby, colosse, barge, combattre au côté d’un soldat de ta trempe a de quoi faire envier bien des gars. Et je suis honoré d’avoir fait partie de ceux-ci. Kul Tiras est une région magnifique, j’ai eu le plaisir de découvrir tes terres et ses farouches habitants, je comprends sans mal les raisons pour lesquelles tu t’accroches à cette vie. Bon vent, camarade.

A Charlie Stardust, accalmie de nos cogitations régulières, tu sais tout le bien que je pense de toi. La Pandarie, terre de la Grue Rouge symbole d’espoir, ce même élément que tu portes ancré en toi et qui m’a fait poursuivre ma lutte.
Je me vois serein sur cette île brumeuse, si éloignée de mon chez moi carminois. Et cette terre m’accueille, tel un paradis perdu dans les limbes du temps : Xuen, Chi ji, Yu’lon et Niuazo, tous ont trouvé place dans mon cœur et esprit. Pour tout ce qui est cher, pour tout ce qui fait de nous des gens animés de cette seule et même passion de défendre nos idéaux, vis.
Je te promets de veiller sur ta petite sœur d’où je suis, ne sois pas trop prompte à venir nous rejoindre.
« A bonne mire, bon tir ».
Par ces mots, je te lègue sept marques noires.

A Taylor Dagern, un ami récent, un confident et un animateur hors pair. Je laisse derrière nous nos échanges en tout genre mais j’emporte avec moi l’image d’un homme sincère dont j’ai eu la chance de croiser le chemin. J’ai accueilli tes conseils avisés, suis les miens à présent. Veille sur ce qui t’est cher et suis tes instincts. Je prie pour que le jour où je rencontrerai ton frère sera le plus lointain qu’il me soit accordé.
Par ces mots, je te confie l’ensemble de mes colifichets afin que tu les remettes à ceux dont tu jugeras digne des les porter.

A Durobar Saute-Montagne, ou devrais-je écrire Trotte-Colline, vieux frère, je ne compte plus les années passées à arpenter les rues de la ville, à enquêter et à gratter la paperasse. Quelle joie de savoir que la Très Sainte t’as remis sur ma route en arrivant dans la compagnie. Notre champion, notre frère d’arme, me battre à tes côtés m’aura poussé à relever les défis les plus audacieux. Que la barbe de Magni t’accorde ses faveurs, honore tes ancêtres et deviens un terrible grommeleur plus que tu ne l’es déjà.
Par ces mots, je te lègue cinq marques noires.

A Camille Chat, mon opposé, mon antipode, le culot le plus impétueux qu’il m’ait été donné de voir au cours de ma vie. Peu de gens parviendront à comprendre le lien qui nous unissait envers et contre tout. J’étais le bon, tu étais le truand. J’étais la lumière, tu étais l’ombre. J’étais le feu, tu étais glace. Deux aimants qui s’opposaient en permanence et qui se ralliaient sous une même bannière au combat et ce dans un respect ô combien mutuel. Je tempérais tes ardeurs et mesurais avec étonnement l’homme qui se cachait derrière ce crâne borné. Ne perds pas tes repères, rentre la tête dans les épaules et pousse le destin à grand coup de crâne dur.
Par ces mots, je te lègue cinq marques noires.

A Alieg, l’esprit apaisant qui faisait taire les séquelles de mon esprit et les stigmates de nos combats. L’esprit équilibré de cette compagnie, veillant sur les siens comme sur la prunelle de ses yeux. Je me souviens de toi dans les rues de la Cité, à courir à gauche à droite en compagnie de Lendrith. Vous m’en aurez fait voir des vertes et des pas mûres tous les deux et pour tout cela, merci.

A Thesryn, la vivacité incarnée et la réflexion zélée, tu as tout pour faire une bonne meneuse ou une bonne enquêtrice de la garde mais ça je te l’ai déjà confié. Ne doute pas des compétences que tu véhicules en dépit de ta jeunesse.
Par ces mots, je te lègue cinq marques noires.

A Jean Pelissier, l’érudit, le mordu de connaissances, j’aurais placé ma vie entre tes mains sans exprimer une once de doute. La bienveillance même, la gentillesse pure et douce, je suis honoré d’avoir pu veiller sur une telle personnalité en dépit des dangers qui nous guettaient.
Par ces mots, je te lègue cinq marques noires.

A Colin d'Amara, lumière parmi les nôtres, nous avons eu des hauts et des bas ensemble, toujours résolu dans un discours raisonné et inspirant. Nous avons veillé nos morts, psalmodié maintes prières et souhaité le bien commun durant notre œuvre. L’heure est maintenant venue pour vous de guider mon âme auprès de Celle que nous chérissons.

A Druss Addlin, éternel survivant, ta volonté de survivre est sans égale. J’admire cette ténacité, tu veilles sur ceux logé à tes arrières et tu sacrifierais ta vie pour eux sans hésitation. J’ai convenu que Noircoeur, épée de riposte, trouverait un propriétaire entraîné à encaisser les coups comme personne ne peut le faire. Cet homme c’est toi.
Par ces mots, je lègue le glaive Noircoeur au Mercenaire Druss Addlin.

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A tous les autres dont je n’ai pas inscrit le nom sur ces quelques pages. Ceux de la Cité Blanche, ceux de la Garde et ceux de la Retribution, je n’ai guère oublié vos noms et visages. Tous m’avaient façonné par vos grandes et petites rencontres, et je vous remercie pour tout ceci.


Que la Très Sainte guide vous pas, maintenant et à jamais.



Chant du dernier adieu du Père Brunnus :

« Sainte Lumière vers toi je crie, la nuit le jour.
Guide mon âme, sois mon soutien.
Guide ma vie toi mon seul bien.

Sainte Lumière, ô prends mon âme, prends-là,
Sainte Lumière apaise mon cœur, sois-là,
Que tout mon être vibre pour toi,
Que trois vertus guide ma foi.

De la gangrène perfide, ô,  garde-moi.
Face aux ténèbres élève-toi,
Mon salut et ma gloire,
En toi, Sainte Lumière, vont mes espoirs.



Sergent Lomerak Owein
Fidèle serviteur du Roy et de la Patrie
Dévoué de la Très Sainte Lumière

Pourquoi fallait-il perdre des êtres si chers à son cœur pour se sentir… tellement en vie ? Et tellement vide à la fois. Je n’avais plus voulu vivre cela. J’avais voulu tirer un trait sur les relations humaines, m’isoler du monde extérieur après la perte de ma petite fleur, de Corvin.

J’y étais parvenue. Un temps, du moins. Les désirs du corps satisfaits, je me noyais dans les brumes de l’alcool, en ressortais groggy et prête à recommencer. C’était un cycle dans lequel je me complaisais, dans lequel tout aurait pu prendre fin. J’aurais aimé que cela soit le cas. C’était tout ce à quoi j’aspirais, sans avoir le courage pourtant de passer à l’acte. Il aurait suffit de positionner le canon à la tempe et de presser la gâchette.

Mais je n’arrivais pas à m’y résoudre ; pas tout à fait. Ma petite fleur m’avait supplié de vivre, de découvrir le monde, et de tout lui raconter ensuite. Qu’aurais-je pu lui dire maintenant ? Que ce monde était infesté de morts-vivants, pareils à ceux me l’ayant arrachée ? Que les guerres ne cessaient que pour mieux reprendre ? Que tout ceux qui mettaient chers sont morts ? Et à lui, qu’aurais-je pu dire ?

Je n’avais pas su tenir ma promesse. De longues années de solitude avaient érodé ma carapace, et quelque caractère bien trempé avait eu raison du mien.  
Peut-être était-ce la faute à ces balades, à ces discussions où chacun de nous se livrait le cœur sur la main. Tu avais d’abord été un ami puis un amant, tant cherché que fui. Mais je le croyais nécessaire. Je croyais cette distance entre nous obligatoire à ta survie. Et pourtant je ne cessais de veiller sur toi, de couvrir ton dos en mission.

« A bonne mire, bon tir. » te plaisais-tu à répéter, comme une rengaine entre nous.

Alors pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu que tu meures au loin, là où ne je pouvais pas te défendre ? Alors que tu avais encore des choses à me confier ? Pourquoi a-t-il fallu que tu meures ? Pourquoi me faudrait-il continuer à vivre sans mes êtres aimés à mes côtés ? Comment le voudriez-vous ?
Mais c’est là vos dernières volontés et, trop lâche pour m’y dérober, je m’y soumets misérablement.
Je n’attends plus qu’une chose de mon existence : me tenir près de vous, et au plus vite.

Alors attendez-moi, petite fleur, Corvin, Lomerak…

Attendez-moi, putain de merde… !

Un bref passage et des regards furtifs exprimant mille et une émotions confuses. De la colère bien sûr, de la tristesse sans doutes et également une bonne dose de peur.
C'est le cœur lourd que le capitaine marchait d'un pas rapide sur le pont menant à Cendrebourg, battu par les vents froids venus de l'océan. L'intensité de ces dernières semaines lui avait presque fait oublier à quel point cela lui manquait.
Il songeait à ces visages et aux mots de la démoniste, ainsi qu'à la discussion qu'il avait eu avec ses officiers et à la situation inextricable dans laquelle il les avaient mis. Aux bûchers de ces hommes loyaux qu'il pensait respecter au plus profond de son âme.
Il aurait du vouloir fuir, prendre ses jambes à son cou ou prétexter une urgence pour laisser son second gérer à sa place.
Il aurait pu vouloir rester par loyauté, par compassion ou même par amour.

Mais en cet instant, rien de tout cela ne lui semblait important. Le mercenaire percevait l'appel de la guerre et ses tambours sauvages.
Comme une vieille amante langoureuse qui se rappelle à vous dans les moments les plus sombres de l'existence, usant de louanges et de caresses pour vous attirer dans ses bras infâmes. Inexorablement.
"Les soldats vivent", avait dit l'Étoile, un jour devant le bûcher d'un homme dont le visage avait depuis longtemps disparu de son esprit.
Ils vivent et se battent jusqu'à leur dernier souffle, pour extirper de leurs carcasses meurtries l'étincelle de vie qu'ils ne trouvent nulle part ailleurs. Mais au bout du chemin seule la mort faisait office de retraite.
Il se mordit la lèvre et senti sur sa langue le goût de son propre sang et se senti plus vivant que jamais.
Bientôt il serait de retour.

La silhouette d’un archer était apparu sur les remparts tout en saluant les mercenaires de garde ce soir là, Gatsi n’allait pas dormir pour le moment, du moins pas tout de suite. À la lueur d’un braséro, l’adjudant de la Rétribution s’était trouvé un endroit calme face à la mer, tenant plusieurs flèches en main.
C’était son habitude, sa façon a lui de rendre hommage aux mercenaires disparus, une vieille tradition de son escouade de tirailleurs en Gilnéas. Il resta un moment face à la pénombre et au remous silencieux avant d’encocher un premier trait, gravé de quelques lettres au couteau.
Farey banda la corde son arc, ramenant les plumes du projectile contre sa joue avant d’avoir une dernière pensée pour le disparu.

Taleth.
« Vous n’êtes pas qu’un officier, vous êtes aussi son ami. »

L’elfe n’était pas son ami ni un mercenaire proche mais il restait un des braves de la première ligne, toujours volontaire et présent même dans les pires moments. Un mercenaire à qui on pouvait faire confiance et Gatsi lui avait confié plus d’une fois des hommes, sachant que Taleth ferait le boulot.
Une efficacité qui ne l’empêchait pas d’avoir un côté léger que l’archer appréciait, qui lui manquerait. Taleth était un mercenaire remarquable et prouvait que les meilleurs partaient toujours en premier.

La flèche fila dans la nuit étoilée pour s’y perdre alors que l’officier encochait déjà la suivante et réitéra l’action, usant de ses muscles pour maintenir l’effort et rendre hommage au prochain.

Lomerak.
« Tenez la ligne ! »

Les mots du sergent Owein, quelques secondes avant qu’il ne s’effondre devant lui, dans cette grotte maudite. Gatsi avait vu l’un des piliers de la première ligne se briser ce jour là, comme une claque à laquelle on ne s’attend pas. Lomerak était ce phare de confiance qui rassurait ses hommes, même un salopard comme Camille se serait battu jusqu’à la mort à ses côtés.
Un homme généreux et affable qui savait pourtant faire preuve d’un pragmatisme froid quand il devait commander. C’est sans doute ce qui avait manqué à l’adjudant à la dernière mission, Lomerak serait peut être en vie s’il avait eu une tête et pas un cœur comme lui dirait le Capitaine.
Owein serait difficilement remplaçable que ça soit pour les mercenaires ou les officiers, la compagnie avait perdu plus qu’un mercenaire.

Dans un sifflement caractéristique, le trait se perdit à son tour dans la pénombre tandis que Gatsi attrapait la dernière flèche. Il l’étudia d’un œil critique tout en lisant les lettres qu’il avait gravées malgré lui dans la tige de bois.
Après une longue réflexion, l’archer plaça le projectile et se mit en position.

Raelor
« Je comprends, Adjudant. »

Gatsi ne lui avait jamais pardonné. Une rancune digne de sa réputation alors que le paladin n’avait rien fait concrètement. Si ce n’est que la femme de l’archer s’était sacrifiée pour sauver sa vie comme il l’aurait sans doute fait pour un autre mercenaire à terre. La présence de Raelor dans la compagnie n’était qu’un rappel quotidien que de Briseïs n’était plus là.
Le destin s’amusait à le narguer, Gatsi ne pouvait s’empêcher de détester un homme bon et courageux, qui s’était dressé contre les pires créatures que le Fléau leur avait envoyé sur cette île. L’elfe avait balayé des morts vivants comme on fauche le blé ou encaissé les attaques d’un chevalier de la Mort sans faiblir, continuant de se relever coup après coup.
Un mercenaire qui n’avait pas hésité à le soutenir malgré la véhémence de ses propos à son encontre, un mercenaire qui avait compris la douleur du Gilnéen et qui ne lui en avait pas tenu rigueur. Sa mort n’avait rien soulagé, pire Briseïs était morte pour que Gatsi gâche la chance qu’elle avait offerte en laissant cette mission se dérouler.
Raelor était parti en lui laissant une amère vérité : Il avait cherché un coupable plutôt que de donner un sens au sacrifice de sa femme.

L’hommage au paladin fila dans la nuit alors que l’officier se perdait dans la contemplation des étoiles. Il n'avait beau avoir que la trentaine, il se sentait terriblement vieux.

«Quand vient l'hiver...»

Le fils d'Alterac avait prononcé ces mots peu avant la débâcle de la compagnie. Peu avant que l'objectif ne s'annonce irréalisable, et que la retraite fût l'ultime alternative. A la veille de la perte de trois âmes valeureuses, et du départ d'un compagnon aussi survivaliste que lui.

Sur son lit d'infirmerie, là où son corps récupère mais où son égo agonise, il repensait à ce moment. Les mots s'échappaient de ses lèvres alors que la vision des armées infinies de charognards lui revint, en train de ronger les flancs de la formation, de percuter de plein fouet la ligne de front comme une falaise progressivement rongée par l'érosion, un rocher tombant l'un après l'autre dans la mer. Un mercenaire tombant l'un après l'autre dans la marée.

S'il avait eu l'occasion d'échanger de près ou de loin avec chacun des disparus, il ne s'était réellement lié à aucun d'entre eux. Et leur perte était traitée avec un pragmatisme absolu, ils manqueraient à la formation, chacun d'entre eux. Et cela impacterait assurément leurs chances de succès à l'avenir.

Ainsi la question venait toute seule : Était-il prêt à mourir pour des opportunistes et des parvenus?

La réponse était plus difficile à déterminer. Attendre de voir les prochaines cartes au centre de la table, ou se coucher, rester pour miser, ou partir avec ses gains actuels.

L'appât du gain est fort, mais le désir de survivre l'est tout autant.

Mais pour l'heure, il devait recouvrir des forces. Onguents et bandages rejoignaient cigarettes et whisky, un mélange qui ne le ravissaient guère, mais qui au moins adoucissaient ce long séjour où chaque mouvement valait son lot de souffrance. Comme un millier d'aiguille qui le lance à chacune de ses articulations, sans compter cette gène à chaque inspiration et cette fatigue assommante.

«Faites que l'hiver soit court...»

Le retour de Syllar se fit aussi brusquement que bruyamment, une détonation et quelques cris venant ponctuer ses présentations avec certains mercenaires bien rapidement. Après une discussion d'une petite heure avec le Lieutenant afin de se mettre au vent de la situation et faire officialiser son statut, le nouveau sergent commença à reprendre ses marques.
Que ce soit en se trouvant un lieu pour dormir, en posant ses affaires ou simplement en saluant ceux qu'il croisait, il rendit sa présence publique au maximum, ne se cachant clairement pas.
Au contraire il se comportait un peu comme un tigre sur son territoire, se déplaçant comme chez lui à sa guise en évitant que la seule infirmerie. S'il était relativement chaleureux avec les vieilles têtes qu'il connaissait - en particulier le trio d'officiers - et n'hésitait pas à échanger quelques mots, il était un peu moins loquace avec les inconnus et se contentait souvent de présentations brèves.
Même avec Camille il se montrait relativement neutre tout compte fait, malgré l' '' incident '' de la veille. Il n'y avait qu'Alieg qu'il évitait comme la peste, ne lui adressant la parole qu'en cas de stricte nécessité.
Pour le reste il était assez clair dans ses présentations : '' Je suis Syllar, sergent, je suis là car vous êtes dans la merde. Me faites pas chier et on s'entendra nickel ''. Il n'hésitait pas à joindre le geste à la parole avec ceux qui s'étaient attirés un brin de sympathie en proposant à boire ou à fumer. Ce qui n'incluait pour le moment que ses trois pairs officiers, Borghese, Dagern et, curieusement, l'aspirant d'Amara.

Citation :

La soirée avait été indéniablement bien remplie.

L'évasion spectaculaire de Carden avait causée de gros dommages à Cendrebourg et le bilan définitif était porté à 9 morts.
La victime la plus notable étant l'interrogateur Neil Carard, bien connu des mercenaires et dont le corps calciné avait été retrouvé sous les décombres. Si l'ordre avait pu être rapidement rétablis en ville, il n'en restait pas moins un parfum de chaos que les Fils du feu peinaient à contenir.

Rapidement toutefois, les procès des rebelles capturés à la scierie furent ouverts. Présidés par l'inquistrice Declann, assistée d'un jury populaire constitué de citoyens de Cendrebourg furieux, ces audiences amenèrent à trois mises à mort par les flammes et à un certain nombre de peines d'emprisonnement longues et de travaux forcés.

Turk Pointe-pierre, ainsi que deux rebelles inconnus en provenance de la fonderie et rendus responsales de l'explosion de la veille furent rapidement amenés au bûcher après leur condamnation et c'est de nouveaux panaches de fumées sinistres que les mercenaires purent apercevoir depuis les murs du fort, accompagnés des cris d'horreur des mourant et de l'odeur âcre de la viande brûlée.
Cette fois, la population du bourg semblait soutenir le Concile car de nombreux civils étaient présents et manifestaient bruyamment leur approbation. Probablement encore traumatisés par les évènements de la veille.

Les nouvelles de l'île annonçait que plusieurs ouvriers des industries dont la contremaître Brooke Gill avait disparus également. Leurs liens avec les rebelles confirmés, ils avaient probablement pris le maquis. Des rumeurs invraisemblables sur leurs actions héroïques ou leurs horribles exactions, selon les sources, se répandaient comme une traînée de poudre. La directrice des industries, Danielle Aedburg avait également été placée en résidence surveillée et le Forgeur de guerre Irash l'implacable avait pris sa place par intérim.

La nouvelle de l'invasion du Fléau avait finie par atteindre les oreilles des habitants mais la majorité de ceux de Cendrebourg étaient trop choqués pour y prêter une oreille réellement attentive.

La nouvelle venue de la compagnie sera arrivée tard dans la soirée de la veille, se faisant remettre sa tenue ainsi qu'un tour d'horizon du fort pour la prêtresse d'Amara avec qui elle aura brièvement discuté, avant de prendre congé et se diriger vers son lit nouvellement attribué.
Occupée au début à inspecter sa nouvelle tenue et ranger ses affaires, la mage aura ensuite rédigé une rapide note avant de dormir.

Levée aux aurores après une courte nuit, Rebecca aura assisté à l'entretien collectif matinal avec une once perceptible d'agacement bien qu'elle n'en ait rien dit et aura ensuite vaqué à ses occupations quoique prenant le temps de transmettre une lettre ainsi que la note de la veille à un officier ou sous-officier.

Dans son temps libre, il ne sera pas rare de la voir occupée à infuser son nouvel équipement d'arcane, y traçant quelques runes s'illuminant brièvement avant de disparaître pour l’œil non-avisé.

Citation :

Le fort avait reçu du matériel supplémentaire dans le courant de la journée. Des fournitures médicales et des lits supplémentaires pour l'infirmerie que des travailleurs mandatés pour le Concile auront livrés dans le milieu de la cours sans vraiment savoir ou les installer, ce qu'ils laisseront au bon soin des mercenaires.

C'est en fin de journée, que la silhouette encapuchonnée de la blanche hermine aura disparu au travers d'un portail, d'un pas décidé et sans se retourner, après avoir posé sa permission, les bras chargés de bien de choses encombrantes.

Le sorcier d'Alterac semblait reprendre petit à petit du poil de la bête. Ce dernier accusait toujours une forme de faiblesse depuis la grande bataille qui avait tant coûté face au fléau. Des tremblements dans les mains, une douleur latente au cœur au gré de lourds efforts, des séquelles que l'infirmerie ne jugeaient pas dangereux tant que le mercenaire en vient à se ménager. Ce qu'il applique à la lettre : Le mage avait levé le pied, tant en terme d'intervention magique que d'assauts audacieux.

Toutefois, il semblait déjà avoir la tête à de nouveaux projets et à l'avenir de cette campagne. Lors des heures de creux, il peut être aperçu en train d'esquisser des croquis complexes, de préparer des vélins d'enchantement prototype, et de préparer une liste de composant à acheter pour sa prochaine permission qui ne saurait tarder.

Quoiqu'il en soit, il semblait travailler sur son armure une fois de plus. "Ne plus commettre la même erreur" est une excuse qu'il distribuera aux plus curieux, sans aller jusqu'à même leur donner un indice de ce qu'il prépare.

Egalement, en prévision de l'avenir, le sorcier faisait courir le bruit que la Targe du Voltigeur était à vendre, prix négociable à partir de trente marques noires. Les enchères sont ouvertes.

Citation :

Targe de voltigeur:
Type d’arme: Petit bouclier
Description : Une targe de belle facture. Recouverte de symboles tribaux, elle semble avoir été conçue pour mais pas par un orc. Parfaitement équilibrée, légère et résistante, elle paraît avoir été forgée à la mesure de son précédent porteur de façon à protéger sans gêner les mouvements.
Bonus (HRP) : +5 au jet d'attaque

L’hésitation l’avait longtemps retenue de lire ce mot, tout froissé et couvert de sang. Elle l’avait récupéré de la main d’un homme mourant, mutilé par plus d’une fois ; cela avait dû être un père, un frère, un ami tendre. Ça n’était plus qu’un tas informe, sans vie, duquel s’écoulait une source tarissable et avec laquelle il adressait un dernier message. Celui qu’elle tenait en main.
Et pourtant elle hésitait. Comme si ce pressentiment étrange au fond de ses entrailles la mettait en garde. Mais contre quoi ? Personne n’aurait su le sauver. Son état était trop grave. Sa survie n’était due qu’à la volonté de la Lumière… était-ce pour qu’il puisse remettre au premier venu, n’importe qui, ce bout de papier misérable ? Probablement. Il était mort après l’avoir fait. Mort en emportant avec lui sa peine et ses regrets, sans se charger de ceux de la prêtresse.
Alors une fois qu’ils furent rentrés, une fois que les mercenaires eurent prononcés une prière pour les pauvres âmes abandonnées, Colin lut le mot.
Elle le garderait en poche aussi longtemps qu’il le faudrait, comme un rappel silencieux et lourd sur la conscience. Peut-être trop.

Le doute n'était plus permis. Depuis la veille, le capitaine était de retour. Il s'était installé dans sa cabine du navire pour ne pas spolier son second de son bureau et avait passé la journée à prendre des nouvelles de la compagnie, s'entretenant avec les officiers pour se mettre au courant de la situation.
Il avait également obtenu une rapide entrevue avec l'interrogatrice Elinski à Cendrebourg dont il était revenu soucieux.

Il n'y avait pas la moindre trace du retour de l'Intendante, ni dans la matinée, ni dans la soirée. Les registres n'avaient pas bougé, autrement qu'entre les mains de ses deux assistantes, peut être.
Et pourtant, c'est en milieu de cette soirée qu'un pli adressé à Colin aura fait son apparition, par enchantement -c'est le cas de le dire- sur le registre des artefacts.

Il était trop tard.

Trop tard pour « serrer la vis », trop tard pour l’en sortir de là.
Depuis des semaines, voire mois, l’intendante principale se plongeait dans l’étude d’un artefact magique. Corrompu.

Colin l’avait vue progressivement sombrer sans savoir intervenir ; elle avait vu ses prunelles d’aigue-marine pétiller d’un nouvel éclat, mais pas de cette malice habituelle à la blanche hermine ; elle avait remarqué son embarras et cet empressement à changer de sujet lorsque s’évoquait la felmagie ; elle avait remarqué ces regards par-dessus l’épaule, comme ceux d’une bête traquée. Mais ce qui l’avait davantage frappée était son absence dans l’intendance.
Son parfum, pourtant, y flottait. Debbie Whitewater n’avait pas besoin d’être là physiquement pour être présente partout ; ici dans une note en bas de page, là dans le désordre organisé des fournitures, ou encore là dans les lettres d’adieu.

Car c’est ce qu’elle laissait derrière elle. Des lettres. Des lettres posées sur le registre des artefacts comme un dernier clin d’œil. Ils étaient pour Colin des mots d’excuse et, d’une certaine façon, peut-être de repentance.
Mais le coup avait été dur et la surprise réelle. Qui aurait pu croire que les deux vétérans, ces deux vétérans, ne reviendraient pas de leur permission ? La prêtresse avait d’abord cru à un retard malheureux en ne les voyant pas rentrer. Mais ne méritaient-ils pas ces quelques heures supplémentaires ? Les occasions de se retrouver ensemble, rien qu’à deux, étaient rares et tout aussi précieuses. Colin ne le savait que trop bien. Alors comment leur en vouloir… ?
Et pourtant. Il avait fallu vérifier la présence de l’épée, constater qu’elle n’était plus là, pas plus que les deux amoureux.

Alors les annonces s’étaient enchaînées : démission, désenchantement, perte et échec, promotions et réunion à venir. Cela ferait du travail en plus, à coup sûr, et des heures de sommeil en moins.
Mais elle songeait surtout à Debbie, à ses manières pleines de charme et de joie, et à ce départ précipité.

« Puisse-t-Elle vous protéger des ténèbres dans lesquelles vous avancez… »

Souvent le sorcier venu d'Alterac se réfugiait dans sa tour, tel les sorciers dans les contes, à expérimenter de nouveaux sortilèges. En effet, tous les mercenaires ont eu l'occasion au moins une fois de le voir affairé à tracer des runes sur des vélins, à infuser des gemmes, des objets communs, et autres parchemins à l'aide d'un instrument en vrai-argent.

C'était son quotidien, entre deux lampées de sa mystérieuse flasque et une clope grillée après avoir achever un croquis. Mais voilà que depuis quelques jours, alors que son état de santé semble s'améliorer de jour en jour, il semble s'être mis à travailler sur un projet de plus grande ampleur.

En effet, il n'était pas rare de voir des pièces de sa propre armure étalée sur une table, pour la retaper, et opérer sur les complexes enchantements qui la composent. Mais au vue des piles de vélin qui s'amassent, le projet semble être à deux doigts de se réaliser. Qui sait, le mage s'était au final peut-être préparer un petit cadeau du Voile d'Hiver.

Citation :

Progressant à demi-courbé sur le manteau neigeux, le soldat Fyn sentait peser sur lui tout le poids de son armure. Des pans de neige fondus se glissaient dans les interstices de la carapace et coulaient sur ses vêtements, faisant naître en lui de désagréables frissons glacés.
"Quel enfer" Grommela-t-il tout bas en se hissant sur un talus qui dominait le cirque gelé. Son agacement vis-à-vis du froid, de l'effort et de cette satanée poudreuse s'estompe aussitôt, remplacé par un coup de tenaille à l'estomac si violent qu'il en eu envie de vomir.
Le cirque était envahi. Des centaines de non-morts décharnés erraient ci et là, parfois survolés de quelques gargouilles solitaires. Dans la masse se détachaient les carcasses massives et ô combien répugnantes des abominations en maraude.
Fyn repris ses esprits et mécaniquement glissa en arrière. Trouvant un abri, il déposa lourdement la lourde radio qu'il portait tant bien que mal dans son dos et en décrocha le combiné. L'engin crachotait et il priait fort que le vent et la neige suffisent à masquer sa présence.
"Ici soldat Fyn, régiment Verticelli. J'ai été envoyé en reconnaissance. Ils sont nombreux mais ne s'attendent pas à nous voir. Je pense que vous pouvez-y aller. Terminé."
La radio fût muette, quelques secondes. Se contentant de crachait sa friture au visage de l'infortuné éclaireur. Et puis, enfin.
"Crhhsh.. Ic-cshhhh… Ici Lieutenant Tourbepierre .. crhshs.. Reçu. On balance la sauce. Bien joué mon garçon. Tu peux rentrer. Terminé."
La voix rassurante de son officier nain venait comme une promesse. Les sons qui s'ensuivirent ne firent que la confirmer. Cinq détonations surpuissantes résonnèrent : ça, les morts l'avaient bien entendu, c'était sûr.
Fyn leva la tête : au-dessus de lui, d'énormes projectiles embrasés fendaient l'air à toute vitesse pour aller s'écraser dans la masse titubante de créatures déformées : leur objectif final.
Il ne pris même pas la peine de regarder l'impact, récupéra sa radio et se pressa en arrière. Déjà, ligne de front apparaissait à ses yeux. Ses camarades protégeant l'énorme char Goliath et les autres machines du Concile nécessaires à l'opération.
Mais un grognement rauque, inhumain le fît s'arrêter. Fyn tira son épée prestement pour se retrouver nez à nez avec la gueule béante d'une goule.
"Trop lent." Pensa-t-il. "Quel enfer.."

"Pauvre gars." Se surpris à penser la Fille du feu Alira Vivebraise en projetant vers l'infortuné éclaireur et les trois goules qui le taillaient en pièces une explosion de flammes bien sentie. Les quatre corps furent aussitôt réduits en cendres et la sombrefer se félicita s'être entraînée si assidument à la visée.
Autour d'elle, les Fils du feu et les machines de guerre faisaient pleuvoir sur les morts-vivants un déluge continuel de feu purificateur. Les rares qui parvenaient à s'approcher se heurtaient au Rempart ardent. Les soldats en armures serraient leurs boucliers et avançaient en ligne, guidés par les directives fermes de leurs officiers.
"Pas besoin de ces foutus mercenaires" ricana un de ses compagnons. Elle ne lui répondit pas et décocha un trait de lave dans la gueule béante d'une goule un peu trop aventureuse.
La bataille se passait bien. Trop peut-être. Bien qu'en surnombre, les morts-vivants étaient balayés par les flammes et la supériorité offensive et technologique.
C'est alors qu'elle vit un monstre colossal, cousu de chairs et maniant une énorme hache percuter la ligne de fantassins et y creuser une brèche dans laquelle s'engouffrèrent aussitôt une dizaine de morts affamés.
"Brèche dans les rangs !" Hurla un soldat.
Elle s'arrêta aussitôt, mis un genou à terre et psalmodia dans la rugueuse langue des éléments.
"Ô Fumeron, je t'implores. Aides moi. Envoie-moi un de tes sujets pour terrasser le mal qui se dresse et menace l'équilibre."
Aussitôt, le sol se fendit au milieu des créatures et un torrent de flammes laissa rapidement place à un être de feu pur. Un élémentaire déchaîné, lâché contre leurs ennemis.
Alors que celui-ci s'employait à réduire en cendres les êtres impies qui lui barraient la route, Alira marque un temps de pause.
Quelque chose clochait. Une sensation désagréable s'empara d'elle et ses mains se mirent à trembler. La sombrefer vomit au sol de la bile mêlée de sang alors que son corps entier subissait les affres d'un mal inconnu.
"Putains de.. nécromants." Eu le temps de cracher la chaman, avant de s'effondrer.

"Le maître ne va pas être content." songea l'initiateur Girat alors qu'il apercevait sa victime convulser sous l'effet de la malédiction soigneusement tissée.
L'acolyte constatait avec un soupçon d'effroi l'avancée inexorable des forces du Concile. Leurs flammes étaient efficaces. Beaucoup trop.
Les maigres troupes arrivées du portail ces derniers jours ne suffisaient pas à faire pencher en la bataille en leur faveur.
Autour de lui, les autres nécromanciens, terrifiés, tentaient vainement de canaliser leur énergie pour faire émerger un puissant assemblage d'os, mais le rempart de chair qui les séparaient de leurs ennemis devenait de plus en plus mince.
"Ca ne suffira pas mes frères et sœurs. Concentrons nos efforts pour aider le seigneur Valtren dans sa tâche et rejoignons la mort avec dignité."
Le sorcier se tourna vers le champion défunt. Implacable dans son armure noire, ce dernier gardait sur le carnage un œil égal, presque détaché de ces turpitudes futiles.
"Vous rejoindrez le maître et lui porterez ce message. Wiedvald vous accompagnera. Ouvrez un portail."
Son interlocuteur hocha simplement de la tête et s'éloigna vers le fond de la grotte. Il accomplirait sa tâche avec dévotion : il n'avait tout simplement pas le choix.
Girat s'appuya sur son bâton, las, et se reporta de nouveau sur le champ de bataille. L'énorme char à vapeur grondait en libérant d'épais panaches de fumée. Son canon gargantuesque grinça en se repositionnant, braqué droit sur eux.
Il aurait voulu parler. Il n'en eu pas le temps. Tout devint noir.

Citation :

Une violente tempête de neige s'était abattue sur l'île de la Renaissance. Les températures chutaient déjà depuis plusieurs semaines mais le changement avait ici été brutal.
Des vents violents charriaient des monceaux de poudreuse qui recouvraient déjà l'île de son blanc manteau.
Et ça ne semblait pas près de s'arrêter.