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 La nuit du Serpent

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Arelos
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Arelos


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MessageSujet: La nuit du Serpent   La nuit du Serpent EmptyLun 26 Avr - 14:10

Warning : âmes sensibles s'abstenir.

Citation :
– ... N’est-ce pas au tour de sa sœur ? l'interrogea Arelos. Je n’ai vraiment aucune envie de faire subir ça à un enfant.
– Elle n’a répondu à aucune de nos lettres depuis son départ pour Dalaran, soupira l’aîné des fils d’Idoménée. Je crains qu’elle n’ait renoncé à la tradition familiale. Et ce n’est pas pour me déplaire. Son air suffisant m’a toujours mis hors de moi.
– Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi tu me demandes d’y aller à sa place. Tu sais bien que j’ai toujours détesté cette fichue cérémonie.
– Père insiste pour que ce soit le dernier initié en date qui s’occupe du suivant, et en l’absence de Dejanyr, c’est à toi que cette tâche revient. Je suis désolé.
– Je pourrais refuser et m’en aller, comme elle, grommela Arelos.
– Tu ne le feras pas.
– Peut-être. Mais certainement pas parce que tu me l’as demandé, Ormiel.
– Tes crocs ont beau être acérés, reprit-il moqueur, tu n’as toujours aucun répondant. Si tu n’as pas changé d’avis d’ici là, tu devrais trouver le petit dans le sanctum oriental. Bon courage, on se retrouve tout-à-l’heure devant l’autel.

Arelos ne prit pas le temps de lui répondre et cracha sur le pavé avant de rejoindre le quartier mystique du village, le plus calme, compte tenu de l’absence de gens extérieurs et de mages dans leur famille, à l’exception de Lithonis : en fonction à Lune d’Argent, et de cette fameuse Dejanyr qu’il n’avait jamais pu voir en peinture, lui non plus. Culminant au-dessus du sanctum, des orbes volaient et s’entrecroisaient dans une interminable ronde hypnotique. Quelle idée, pensa le quel’dorei, de construire un tel bâtiment sans personne pour l’occuper. Sans doute était-il actif à une époque, lorsque des aristocrates se bousculaient encore pour rendre visite aux Seigneurs forestiers. Lorsque la beauté de la citadelle tenait moins d’un accident que des travaux de certains des meilleurs architectes du royaume. À présent, il ne restait guère plus que des cousins éloignés et des enfants d’anciens serviteurs pour assurer la main d’œuvre et les métiers ingrats du domaine de Crochesoleil sous Séléné. Le bâtiment en lui-même ne servait plus que de terrain de jeu aux enfants, ou de salle d’attente pour les étrangers.

Il franchit les escaliers et s’aperçut que la grande porte en bronze, cerclée de métal et ornée de serpents en vert-de-gris, était encore ouverte. Quand il voulut la pousser, un wyrm de mana se faufila dans l’entrebâillement, suivi d’un enfant qui faillit percuter le forestier dans sa course. Arelos reconnut son jeune demi-frère, Aonyr, et ses cheveux argentés coupés à la serpe, comme on n’en trouvait pas depuis des générations dans leur famille. Il lui jeta un regard, partagé entre la surprise et l’inquiétude. De toute évidence, il ne se souvenait pas l’avoir déjà rencontré. Difficile de lui jeter la pierre. C’était encore un bébé lorsqu’il s’était rendu au domaine pour la dernière fois.

– Vous êtes un de mes frères ? S’enquit le jeune garçon d’un air candide.
– C’est ça ! Je m’appelle Arelos et c’est moi qui dois t’accompagner au manoir pour la nuit du Serpent.
– Qu’est-ce que c’est ? J’ai perdu mon wyrm de mana. Je le suivais depuis la bordure des chants-éternels.
– On le retrouvera plus tard, promis. Ce ne sera pas long, et je suis sûr que tu es un garçon courageux. Tu as su franchir la jungle de Crochesoleil tout seul.
– C’est parce que j’ai bu la potion de grand-mère.

Arelos soupira. Bien sûr, le fameux sérum qu’on faisait boire aux enfants du domaine pour leur éviter des désagréments, si leurs frères et sœurs venaient à se rebiffer. Le forestier tendit la main au petit elfe et se décida à l’accompagner jusqu’au palier de la résidence familiale. La nuit était sur le point de tomber et les yeux des statues, aux langues fourchues, bien pendues, semblaient leur envoyer des éclairs. Le portail en bois recouvert d’une armature dorée s’ouvrit et une domestique, sans doute un enfant illégitime d’Idoménée, les guida le long du corridor où les arabesques et d’autres formes courbes se poursuivaient. Une fois arrivés à une porte dérobée, frappée d’un Soleil aux traits tirés et au sourire particulièrement dérangeant, elle les abandonna. Arelos voulut ouvrir, mais sentant la main de son petit-frère trembler dans la sienne, se retourna et s’agenouilla pour rester à son niveau. Les cheveux métalliques du garçon scintillaient même dans la pénombre.

– Qu’est-ce qui te fait peur ?
– Je ne sais pas, souffla-t-il, l’air paniqué. J’ai l’impression que je ne serai plus le même après être descendu.
– Je serai là pour m’assurer que la cérémonie se déroule sans encombres. Tu n’as pas à t’en faire…

* * * *

- … Nous sommes tous passés par là avant toi. Même notre père. Même grand-mère, et son père à elle, ont descendu ces escaliers.

Un siècle plus tôt, Lithonis Crochesoleil, dite « le boa », souriait à un tout jeune Arelos, devant la même entrée du temple souterrain. La sorcière revenait juste de la capitale pour accompagner son frère. Quant à ce dernier, il avait tant de noms et de visages à retenir chaque jour : d’innombrables cousins, oncles et tantes, que celui de sa sœur lui semblait presque étranger, fondu dans cette masse pâle et tous ces yeux en amande qui l’avaient épié dès sa naissance, jusqu’à aujourd’hui. Cette incertitude renforçait la crainte qu’il avait ressentie quand sa mère était venue lui annoncer que « son tour était venu ». Il ignorait en quoi consistait ce « tour », mais savait pertinemment qu’il ne pourrait pas y échapper. Personne dans son entourage n’avait su ni souhaité le lui expliquer.

La porte grinça, dévoilant un long escalier en colimaçon, plongé dans les ténèbres que venaient seulement éclaircir des motifs thalassiens sur les murs. Après un souffle glacé, des voix s’engouffrèrent depuis les profondeurs, murmurantes, curieusement entraînantes.

À mesure qu’ils descendaient, les chuintements s’amplifiaient, des coups de cymbales s’y mêlaient, des notes de guimbarde et d’autres percussions. Lithonis serrait si fort sa main que ses jointures craquaient. Il faillit pleurnicher, mais les mots d’Ormiel lui revinrent : « garde ton sang-froid » qu’il répétait en boucle dans sa tête pour se donner du courage. Les marches devenaient de plus en plus basses, qu’il lui faudrait bientôt enjamber, tandis que la fumée des narguilés s’épaississait et que des odeurs âcres d’encens et de soufre irritaient ses narines. Arelos voulut soudain remonter, sans avoir vu ce qui l’attendait dans les entrailles du manoir. Quoi qu’il trouvât en bas, il préférait n’en rien savoir et retourner à ses jeux. Mais sa sœur le retint et souffla à son oreille :

– Tu ne peux plus reculer, maintenant. Père ne te le pardonnerait pas.
– Je ne veux pas ! s’écria-t-il en retour.

C’était sorti, instinctivement. Les mots s’étaient emmêlés dans son esprit, décantés, filtrés jusqu’à ne plus exprimer qu’un sentiment primal : la peur. Lithonis n’en tint pas compte et continua de le tirer vers l’inconnu. Des chœurs s’élevèrent bientôt, graves, puis aigus, parmi lesquels le garçon crut reconnaître des parents, d’autres frères. Après quoi, il aperçut l’ultime palier et leva le menton pour contempler le sous-sol, creusé dans la roche volcanique des siècles auparavant. Un éclairage partiel révéla la foule bigarrée qui l’attendait en-bas.

Sa famille s’était rassemblée autour d’un autel, portant des chitons et des robes de toutes les couleurs, des capuches pour certains. Leurs visages peints en blanc, additionnés à leurs expressions sinistres et un teint cadavérique, les unifiaient dans cet air sépulcral. Plus en retrait, des cousins jouaient de leurs instruments ou chantaient, déformaient leur voix en un seul gargarisme dissonant, puis en une volée de cris et de gémissements libidineux, avant de s’arrêter, tout aussi brutalement. D’autres s’emportaient et transportaient tout l’auditoire dans une valse macabre dont le jeune homme n’arrivait pas à discerner les limites. La fumée lui piquait les yeux. Il ne savait plus où donner de la tête, parmi toutes ces figures menaçantes. Où qu’il regardât, on lui souriait, on se moquait de son air apeuré. Dans un élan de détresse, Arelos se tourna vers sa sœur qui se tenait encore à ses côtés. Sans un mot, elle dirigea son regard vers le cœur de l’assemblée, et il suivit le mouvement de ses iris luisants, sans s’en rendre compte.

Juchée sur le piédestal, une silhouette leur tournait le dos, éclairée par des braseros arcaniques. Elle était entourée par la mue d’un grand serpent, vieille de plusieurs millénaires, et pourtant inaltérée. Les chœurs se turent à nouveau. Une lumière éblouissante envahit la salle, découvrant les parois où étaient incrustées des statues de serpents aux gueules ouvertes, d’où jaillissait sans interruption une vapeur psychédélique, violette ou verte. La silhouette pivota, ses deux mains levées, aux ongles longs en onyx, incrustés de gemmes. Des écailles et des paillettes dorées lui couvraient le visage et le torse, encadrant son regard fendu, glaçant.

Cet homme, c’était son père.

Idoménée Crochesoleil fit un pas en avant et écarta les bras, lentement : amplement, avant de les abaisser. Toute l’assemblée s’agenouilla alors, laissant Arelos seul, debout, qui tomba sur les fesses sans trop savoir pourquoi. Une femme encapuchonnée apporta un présent dans d’épaisses langes que le seigneur déroula. C’était un chaton : ou plutôt un petit lynx qui tremblait comme une feuille à l’intérieur. Le garçon soutint son regard apeuré, pressentant le drame à venir. Tout le monde l’avait déjà compris. Tout le monde savait ce qu’on lui destinait. Le seigneur se tourna de plus belle et, brandissant une dague de calcite translucide, frappa sans la moindre hésitation. On entendit un couinement, puis plus rien. La musique reprit, et les convives se redressèrent. Dans un éclair, Arelos vit le sang couler de la nuque du pauvre animal pour nourrir la membrane dorée de la mue, d’une part, et la coupe de vin qu’allait saisir son père, d’autre part. Dégoûté, il ferma les yeux. Sa sœur se dirigea vers le lieu du sacrifice, munie d’un calice, et recueillit une portion du sang versé qu’elle mélangea à d’autres drogues et des plantes.

– Bois-le, ordonna Idoménée à son fils terrifié, et tu seras libre.

Le seigneur fit circuler le verre parmi les convives, tandis que Lithonis trempait ses lèvres dans le mystérieux breuvage, avant de le porter à son petit-frère. Arelos secoua la tête, mais des mains surgies de l’ombre lui tinrent les épaules, les bras, les jambes et surtout son menton pour le maintenir légèrement incliné vers le haut. Les visages pâles continuaient de lui sourire, leurs yeux chassieux, injectés de sang, plongeaient dans son âme pour la pervertir. La fumée sifflait, les instruments vrombissaient. Des portes semblaient grincer tout autour de lui. Lithonis approcha le calice de sa bouche et le força à boire une gorgée du liquide poisseux, au goût de terre et de stupre. À ce moment, l’espace commença à se distordre, comme ses souvenirs. Les chitons tombèrent, et les capuches. Des corps nus se massaient et s’embrassaient. Il sentit les lèvres de sa sœur se poser sur les siennes, puis celles d’autres gens, innombrables.

Les corps s’entremêlaient dans une ronde luxurieuse : un ouroboros de sexe et de débauche, le même qu’il retrouva, tatoué sur le torse de son propre père. Son regard d’opale frémissait, tournait et le faisait tourner. Sa vue se démultiplia. Ses membres ne lui répondaient plus. Il était tétanisé. Partout, il voyait le visage d’Idoménée, ses cheveux noirs parsemés de paillettes colorées. Même sa sœur avait disparu. Le reste de son corps n’était plus qu’une longue queue de serpent enroulée autour de lui, et du reste de l’assemblée. Jaillissant de cette vision kaléidoscopique, le dieu de la mue semblait avoir investi son corps et celui de son père. Il se reconnaissait en lui, et reconnaissait le serpent doré. Même les musiciens s’adonnaient aux plaisirs de la chair pour célébrer cette initiation. Pourtant, les instruments continuaient de résonner en lui.

* * * *

– Tout va bien, frère Arelos ? s’inquiéta le petit Aonyr qui peinait à franchir la première marche de l’escalier, seul.

Le forestier recouvrit ses esprits et regarda autour de lui. L’inquiétude le gagna soudain.
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