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 Une visite inattendue

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Arelos
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Arelos


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MessageSujet: Une visite inattendue   Une visite inattendue EmptyVen 15 Mar - 23:47

Citation :
La magistrice mit pied à terre ; faisant face aux rangées de cyprès bordant la cour de sa demeure qu’un pont de pierre jamais ébranlé reliait à la ville. Sa robe de pourpre à l’éclat diamantin caressant le sable sans se salir, elle franchit le ponton et la grève et fit volte-face pour interpeller ses hommes de main.

« Chargez Atrius de l’inventaire et la classification des invendus, une fois qu’ils auront été remorqués.

- Bien, madame. Autre chose ?

- Rien dans l’immédiat, je retourne à mon bureau pour y consulter les dernières lettres de la Capitale. Et puis, si ! Prévenez mon frère, qu’il m’y rejoigne vite. Nous ne nous sommes pas vus depuis des mois et le son de sa voix me ferait oublier les gargouillis répugnants des bêtes suantes d’Orgrimmar. »


Le soldat ne releva pas ni n’osa reprendre sa maîtresse, la voyant franchir les marches du premier escalier de la Tour ailée d’Elrundil : berceau de la maison Elensar dont elle avait la charge depuis la fuite de son oncle à l’aube de la Troisième Guerre, et revint à son service. La dame s’arrêta sur le perron pour en contempler l’étendue : les forêts, les champs et l’affluent fourmillant d’activité. Certes le commerce peinait à reprendre ; son pendant quel’dorei ayant le monopole de la cité violette, et les shal’dorei concurrençant largement le marché de l’enchantement à présent qu’ils commerçaient avec la Horde. Pourtant l’ouverture d’une succursale en Kalimdor leur promettait de beaux jours ; le Soleil brillerait de nouveau sur ces vertes prairies dont l’empreinte mortifère ne s’était pas encore estompée.

« Que personne ne vienne me déranger ! »

Agitant son éventail, Lumiel traversa les longs couloirs du palais, caressant du regard une tapisserie, une statue ou simplement le vague des passions inspiré par son long périple. Épuisée par des semaines entières de navigation, elle se voyait déjà enfoncée dans son fauteuil, face à l’encadré du balcon où se décomposent les rais lumineux du couchant. Rien ne l’avait empêchée de revenir en portail, sinon la crainte de ne pas voir revenir son navire en Quel’thalas ; et quelle stupide idée ! Elle lâcha un long soupir en apercevant l’entrebâillement de la porte, et surtout l’absence de soldats pour le justifier ; à quoi les payait-on exactement hormis assurer le calme des lieux ? Elle voulut alors en appeler, comme l’étage en était généralement rempli, sans succès. Elle réitéra ; mais personne ne lui répondit. Haussant les épaules, elle se décida finalement à ouvrir la porte, et quelle ne fut pas sa surprise en réalisant qu’elle n’était plus seule.

Un grand elfe à la chevelure d’argent cascadant jusqu’à son dos se tenait dignement sur le trône des maîtres d’Elrundil. La couronne d’étain surmontée d’un joyau bleuté, posée sur son crâne, inspirait moins de crainte que ses yeux où paraissaient se fondre les glaces éternelles du Norfendre. Bien qu’il ressemblât à s’y méprendre à son frère, elle ne se laissa pas confondre. Comment aurait-elle pu seulement oublier le visage de l’ancien magistère ?

« Quelle surprise ! Findol Daena Elensar. Pardon, il me semble que vous vous faites appeler Ancresoleil désormais ?

Quoique son ton acerbe laissât à peine paraître la terreur ressentie par la jeune elfe de sang, le tremblement de ses poignets la trahissait ; poignets qu’elle se décida à glisser dans son dos pour taire le malaise, dignement. Pourtant ce détail n’échappa pas au sorcier.

- Eh bien ! S’il est vrai que j’ai pu croire un instant que vous m’eussiez effacé de votre mémoire, je m’attendais tout de même à plus d’enthousiasme. Est-ce ainsi que l’on salue son oncle ? La dernière fois que nous nous sommes vus, je pouvais encore vous tenir sur mes épaules.

Lui n’avait pas abandonné son attitude suffisante. Pas plus que son immense confiance en ses pouvoirs, certes étendus mais restreints à sa personne en un lieu qui le voyait à présent comme un ennemi.

- Comment êtes-vous arrivé jusqu'ici sans alerter la garde ?

Il agita la main en croisant les jambes, comme s’il eût s’agit d’une banalité.

- Quelle question ! Vous semblez oublier que j’ai fait reconstruire ce bâtiment plus d’une fois. J’en connais encore les moindres recoins.

- Qu’êtes-vous venu accomplir ici ? Me tuer peut-être ? La tension était palpable.

- Quelle idée saugrenue ! Je suis ici chez moi. Faut-il seulement une raison pour rendre visite à sa famille ?

- Vous avez trahi le royaume, trahi notre famille !

- Il ne me semble pas vous avoir causé le moindre tort.

- En gardant le nom des Fils d’Elrundil, et vous accaparant leur réputation, vous avez failli nous ruiner.

- Vous semblez oublier que cette maison m’appartient encore ; que le mérite de l’avoir hissée n’échoit à personne d’autre que Findol Daena, Seigneur d’Elrundil et Sounion. Mes armoiries sont même exposées sur la façade.

- Vous n’êtes plus personne ici-bas ! Ces armoiries ne sont plus les vôtres. »

La magistrice jeta un œil derrière son épaule, mais il n’y avait personne pour la couvrir, personne pour abattre ce visiteur importun. Elle déploya son éventail qui commençait à luire des braises naissant à ses extrémités, avant de s’éteindre brutalement, comme privé de son essence. A peine avait-elle eu le temps d’activer son enchantement que le haut-elfe l’avait aussitôt éteint.

« Quelle audace d’employer un artefact de si basse extraction contre son propre sang ! Dire que je vous l’avais offert pour fêter votre entrée à l'académie. »

Impuissante, Lumiel voulut bafouiller quelque chose ; rabattre cet homme qui, non content de l’humilier sur son territoire, la traitait encore comme une enfant. Alors la porte s’ouvrit de nouveau et un homme casqué de rouge et noir entra, avant de se figer à son tour. Il parut dévisager le seigneur elfe, puis l’enchanteresse incrédule, et arracha son heaume pour libérer sa toison argentée, coupée à la serpe pour mieux accueillir son armure et sa nouvelle fonction de chevalier de sang.

« Mon oncle, est-ce bien vous ? Zael Elensar était aussi stupéfait que sa sœur, quoique la haine ou la peur n’aient pas supplanté le plaisir de retrouver le frère de son père. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

- Il me semblait bien que vous étiez mieux éduqué que votre sœur ! C’est une bonne question ; je devais disperser les cendres d’une amie plus au sud du royaume. Je n’avais pas prévu de faire escale en Elrundil, mais la nostalgie eut raison de mes réticences. Toutes mes félicitations d’ailleurs, bien qu’elle n’égale pas son apogée, la ville a retrouvé de sa superbe depuis la venue du Fléau.

- Nous avons fait avec les moyens du moment ; ne croyez pas qu’il ait été aussi simple de nous y installer à nouveau.

- Je le conçois ! Ils discutaillaient comme si ces quinze dernières années n'avaient été qu'une anecdote dans leur vie d'elfes.

- Avez-vous seulement conscience de la situation ? Zael, cet homme n’est plus notre oncle ; c’est un ennemi ! Il est venu reprendre ce que nous avons passé tant d’années à construire ! Lumiel implosa en secouant son jeune frère pour l’inviter à sortir le fer.

- Du calme ! Il n’est sûrement que de passage en Elrundil…

- Assez ! Puisque personne n’est capable de raisonner logiquement dans cette maison, j’agirai comme bon me semble !

Elle arracha le cristal opalin d’un pendentif, le jeta au sol et brisa sous son talon. Une étrange brume violette en sortit et recouvrit la salle, exhalant quelque chose du soufre. D’une simple impulsion, le Seigneur la dispersa, mais un homme se tenait en son sein ; un immense bouclier levé contre l’envahisseur, un glaive dans son autre main.

« Madame, vous m’avez fait venir pour vous défendre ?

- Louée soit la Lumière, vous êtes là, Rethas ! Je craignais que cette pierre de rappel n'ait été usée par le temps, ou que vous ne fussiez plus en service. Cet homme est un ennemi, doublé d’un mage puissant, et je veux qu’il morde la poussière. Mais ne le sous-estimez pas !

- Doit-on en arriver-là ? J’aurais aimé pouvoir discuter calmement, hélas !

L'affrontement fut bref. Findol suivait les mouvements du nouvel arrivant et entama discrètement une incantation pour se soustraire à son épée et partir. Or le guerrier d’élite n’avait pas manqué son geste et les effluves arcaniques quittèrent la paume du haut-elfe pour envelopper son bouclier enchanté. Il s’avança et frappa sans lui laisser le temps de se remettre du vol ; brisant sa garde et l’empêchant de prononcer un quelconque mot de pouvoir. Ni une ni deux, la magistrice se jeta sur son oncle pour glisser à ses mains deux bracelets d’argent qui épousèrent sa peau parfaitement. Liés entre eux, ils semblaient impossible à retirer par la force, moins encore par la magie puisque son contact mit fin à la menace de Findol. Sous la coupe du brise-sort, il fulminait déjà en croisant le regard satisfait de sa nièce presque-paricide.

- Pensiez-vous que je n’avais pas pensé vous viendriez revendiquer ma place ? Pensiez-vous que je n’avais pas prévu quelque chose pour vous affaiblir au cas où vous nous prendriez à défaut ? Je connais vos pouvoirs aussi bien que les miens ; j’ai toujours été lucide sur ma capacité de vous neutraliser. C’est là tout ce qui nous différencie. Vous êtes vieux, et inconscient.

- Oses-tu seulement attenter à la vie de ton oncle ? Moi qui t’ai vu naître !

- Je ne me contenterai pas de vous blesser ni ne vous tuerai ! Non, j’ai d’autres projets pour le traître de la maison Elensar. Emmenez-le à Sounion, qu’il y pourrisse en attendant que je termine mes affaires ! »

A l’instant où ce nom fut prononcé, la rage de Findol fit place à l’inquiétude ; cette prison conçue par ses soins figurait parmi ses plus grandes hontes, ses erreurs de jeunesse, évoquant les heures sombres du domaine qui l’avaient vu renoncer à l'éthique. Il aurait voulu partir, loin, très loin de ces terres, mais les bracelets de Lumiel confinaient ses pouvoirs et le chevalier tenait fermement ses poignets pour le tirer en arrière. Comme en réponse à sa détresse, Zael se ficha dans l’encadrement de la porte et interpella sa sœur :

« Nous n’y envoyons plus personne depuis des années ! Même des brigands ne méritent pas un tel traitement, et tu voudrais l’infliger à notre oncle ? C’est de la folie !

- Je suis la Magistrice d’Elrundil et l’unique héritière de la maison Elensar. Zael, ma décision est déjà prise, et je ne me laisserai pas arrêter par un sot devenu Paladin pour ne plus craindre ses alliés et son propre père. Dès lors qu’il nous aura révélé tous ses secrets, nous confierons ce félon aux bons soins de la Régence. »

Alors le brise-sort descendit avec son prisonnier, repoussant le cadet et disparaissant dans les méandres du bâtiment.
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Arelos
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MessageSujet: Re: Une visite inattendue   Une visite inattendue EmptyMar 5 Nov - 23:42

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Il entendait le ruissellement et les chutes au-dessus de sa tête, sentait la mousse bleue des îles lui caresser les pieds, froids depuis une semaine qu’on l’avait enfermé, loin de son palais et du confort, loin du moindre de ses serviteurs, dans ces cavernes qu’il avait lui-même aménagées. Chaque pan de sa cellule affichait une cavité reliant la mer par un tube de bronze et le plancher incurvé recueillait chaque matin assez d’eau pour noyer les détenus. Cependant une trappe s’ouvrait aussitôt, qu’une grille empêchait d’emprunter pour fuir. Les geôliers du cap jubilaient de voir leur victime patauger jusqu’à l’épuisement et s’effondrer dans une flaque, ramper jusqu’au point le plus sec de sa cellule, en griffer la pierre au sang pour s'y agripper comme s’il s’agissait d’une oasis merveilleuse.

Jamais personne n’avait tenu un mois entier sans perdre la raison ou mettre fin à ses jours, même admettre ce qu’il n’avait jamais commis. Dans ce temple de la cruauté qu’il avait fui ainsi qu’une ombre dévorante, son reflet déformé lui apparaissait sans cesse.

Au départ il avait cru défier l’orgueil de sa nièce et ne jamais se plaindre de son malheur, mais le souvenir du bonheur ou simplement des rayons du Soleil accrochaient aussi son amour propre et, s’il avait bientôt cessé de penser, ses mains cherchaient encore la pitance au dehors que les barreaux éclipsaient désespérément. Sa gorge salée à outrance laissait échapper des gargouillis misérables. Même lorsqu’on daignait lui répondre, la silhouette des visiteurs se découpait dans la pénombre sans qu’il en distingue plus que la forme. Dans le meilleur des cas, leur gestuelle permettait de les identifier vaguement. Seul l’éclat de la chevelure argentée de Lumiel, rehaussée par la poussière d’or qu’elle aimait y verser, la rendait reconnaissable entre tous.

« Regrettez-vous d’être venu ? » lui sussurait-elle d’un ton égal de vipère et, laissant son frère en retrait, elle agitait son éventail et tournait les talons dans un roulement de cape et d’étoffes luxueuses, suffisamment lourdes pour lui rappeler son état ; à demi nu, enchaîné à la cheville sans la moindre occasion de s’échapper ou jeter un sort.

Même les barreaux en arcanite renforcée ne lui laissaient aucune chance. Il n’avait plus qu’à se morfondre, prostré. Un moment, il avait même fait le vide dans son esprit. Chaque seconde paraît durer une éternité lorsqu’on est confiné, une goutte d’eau suspendue comme l’aiguille d’une horloge. Il ressentait avec douleur l’ironie de Lumiel et son entreprise de détourner la devise familiale : « Écume est renaissance » pour lui apporter le déclin dans les flots plutôt qu’une élévation.

Cependant il ne l’avait plus aperçue depuis un long moment, doutait même qu’elle revînt assister à son inexorable chute, et s’en délecter. Sa peau se craquelait comme de la vieille porcelaine chaque fois qu’il la frottait et jamais il ne s’était senti aussi vieux.

« Réveillez-vous ! » Une voix l’avait tiré des méandres obscurs de son inconscient. Une ombre familière s’était penchée sur lui. Le seul éclat de ses yeux dorés, pareils au ciel d’été, le brûlait et ses chairs ; c’était insupportable, insurmontable pour quiconque aurait renoncé à la lumière du jour. On lui saisit le poignet sans qu’il résistât, réduit à l’état d’une poupée de chiffon, balancée, souillée par le courant et ses fureurs. Il était revenu, ce frère oublié, abandonné au pied de l’unique flèche d’Elrundil, elle-même livrée aux miasmes du Fléau carnassier ; son visage d’enfant fendu par un large sourire et son regard niant jusqu’au rejet du monde. Le temps avait repris son cours sans qu’il comprît ce qui lui arrivait. On le maintenait sur ses deux jambes, douloureuses, et celles-ci ne lui obéissaient plus, s’avançaient d’elles-mêmes pour retrouver la clarté de l’aube ; plus éblouissante encore que son reflet dans la grotte, réveillant d’un coup toutes ses fonctions physiques. L’eau fraîche glissant dans son gosier lui rendit assez de force pour qu’il se redresse, seul.

Plus une trace de jeune homme. Quelqu’un l’avait pourtant traîné jusqu’à la plage.

Les sens en alerte, il cherchait autour de lui la trace de son sauveur, mais sans doute son rétablissement l’avait-il assommé trop longtemps. Néanmoins il entendit des pas dans son dos, vers le sentier reliant l’unique tour de Sounion à la prison. Une dizaine d’hommes en armure rouge frappée du trident se précipitaient vers lui, armes au clair, menés par sa nièce montée sur un faucon-pérégrin. Une fois à portée, elle fit encercler Findol et démonta pour le confronter dans son plus simple appareil.

« J’ignore par quel miracle vous vous êtes libéré, même comment vous avez trouvé la force de vous lever, mais ces vieux dispositifs sont encore drôlement efficaces. Vous ne pensiez tout de même pas sortir sans alerter la garde ?

- Je vais et je viens où je l’entends dans mon domaine.

- Il n’est plus à vous, vieillard sénile ! Combien de fois vais-je devoir rappeler à quel état de misère vous étiez réduit hier encore ? »


D’un geste de la main, la magistrice convoqua le feu dévorant d’un dragon, projetant sur son oncle une coulée ardente et vengeresse, rongeant même les os, même la pierre. Pourtant il restait stoïque face au déchaînement de puissance qui engloutit jusqu’à son sourire, ne laissant sur la grève qu’un brasier fumant dont les soldats se tenaient prudemment écartés.
C’était le moindre des pouvoirs alloués aux magistères, et chacun les craignait pour ça.

Satisfaite, Lumiel commençait à s’en détourner lorsqu’un doute l’assaillit. Le bûcher s’évapora d’un bloc, découvrant la silhouette droite de l’ancien seigneur, richement paré et tenant dans sa main droite l’arme de ses armoiries, sa hampe d’argent ciselée d’or et de joyaux qu’un serpent entrelaçait, forgé dans un matériau mystérieux même pour l’enchanteresse chevronnée. En un regard, elle comprit qu’il n’était plus question d’âge ni de nombre, encore moins de talent. Ils n’étaient tout simplement pas de taille.

Ses hommes reculèrent à nouveau, et cet abandon soudain la mit hors d’elle.

« Bande de pleutres ! Vous n’avez donc aucune honte ? Et toi… c’est impossible ! Tu étais plus mort que vif. Quelqu’un m’a trahie.

- La magistrice d’Elrundil n’a plus confiance dans son entourage, à moins que ce ne soit l’inverse. »

Son air narquois attisait encore la colère de Lumiel, décroissant à mesure que ses yeux se baladaient sur la surface lisse et travaillée d’Isaran: le trident légendaire de la maison Elensar. Le seul fait de posséder cet attribut légitimait la suzeraineté du sorcier sur toutes les branches de la famille et, sachant cela, elle persistait dans son mutisme et soutenait son regard impérieux de piques acerbes, imaginant mille scénarios possibles, des stratagèmes pour le désarmer, museler comme elle l’avait fait tantôt. Une seule image lui revenait sans cesse ; celle d’une mort brutale, la coque enfoncée d’un navire, balayé par le ressac implacable, son corps entier aspiré comme par un siphon, attiré dans les abysses glacées.

A nouveau elle commençait à trembler, retenant son bras et y enfonçant ses ongles. Findol fit un pas en avant et les soldats en firent un en arrière ; elle restait immobile. Ses yeux verts se détournèrent pour épouser le sable fin du cap et s’embuer ; elle restait immobile. Plus rien n’avait d’importance ; elle avait échoué et les mots glissèrent hors d’elle pour échapper à sa dignité.

« Je vous ai attendu, mon oncle, et je ne comprenais pas pourquoi. Pourquoi vous ne m’aviez pas prise avec vous ce jour-là. »

Tandis qu’elle tombait à ses genoux, la main blanche de Findol chercha ses racines lunaires de sorte à apaiser les larmes que se disputaient sa rage d’aimer, de vaincre ou de haïr son propre sang. Lui se rappelait cette jeune fille qui suivait son ombre et l'admirait plus que quiconque. Il se rappelait des étoiles dans ses yeux lorsqu'il l'avait félicitée pour l'obtention de son diplôme. Un moment passa sans qu’on les interrompît, puis elle repoussa sèchement le bras de son aïeul et se redressa.

« La prochaine fois, je ne permettrai pas que vous m’humiliiez de la sorte. Tenez-le-vous pour dit.

- J’entends bien. »

Ce furent ses derniers mots. Lorsqu’elle voulut revenir vers lui, lui pardonner son abandon dans un accès de repentance qu’elle aurait sûrement regretté aussitôt, surtout face à ses hommes, il était déjà parti. Un garde voulut la soutenir, mais elle le congédia ainsi que les autres, scrutant l’horizon et l’avenir incertain de sa maison. La nuit tombait doucement sur la baie, levant un vent frais qui lui glaça l’échine.

Elle se tourna et vit des yeux rougeoyer dans la pénombre, et les tremblements cessèrent.

« Père, vous étiez là depuis le début. »
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