Rumeurs de la compagnie

La nuit est longue. Le jour ne l’est pas moins. Appuyée contre l’encadrement d’une fenêtre barricadée, Rita fixe un bout de vitre dont l’éclat luit à travers deux planches de bois vermoulu. C’est une lucarne minuscule, un carré blanc de neige où se comprime le monde du dehors et qu’elle contemple silencieuse. La fille de la Marche a les traits tirés. Elle a peu dormi, l’inquiétude imprime des ombres dures sur la peau froide de son visage. Solitaire et de mauvaise humeur, c’est Druss qui canalise l’irascibilité de sa jeune camarade pleine de peur et de mots acides. Coincée dans la souricière avec tous les autres, la blonde a les mâchoires contractées sous sa capuche, la main serrée sur la garde de son épée et le regard fixe sur ce rien immaculé qu’elle aperçoit de l’extérieur.

Rien ? Soudain quelque chose vacille dans le blizzard. Un trait noir. Une silhouette ambiguë, tenace et pénétrante. La pointe glacée de l’effroi transperce son plexus, l’instinct l’agite d’un soubresaut et sa pupille se serre sur l'odieuse chimère immobile.
Un battement de cil et elle n’existe plus, éclipsée dans le refrain sinistre du vent polaire.

Les voix familières par dessus son épaule l’arrache à son trouble. La lumière rousse des cheveux de Marie-Hélène de l’autre côté de la pièce lui rappelle qu’elle n’a pas prié depuis l’enfance. Les bords troués du chapeau de Zariel qu’une grenade à main tient à sa ceinture.

Rita tuerait les prochaines heures assise contre un mur, somnolente ou triturant un petit casse-tête de bois entre ses doigts graciles.

Dans la moiteur de la jungle, Charlie attend.
Elle attend que les choses bougent, attend que les décisions soient prises, attend des ordres. Car Charlie observe, analyse, se retient mais n’agit pas.
Aucun mot pour les nains, aucune aventure en dehors et dans le camp, et pas plus de tentative pour retrouver la trace de leur guide aux yeux globuleux.
Tout ce qui l’occupe, c’est la remise en état de ce vieux fusil à la couleur criarde, et rien d’autre.

La région peut être magnifique comme tout l’inverse, au regard furieux de la brune, c’est du pareil au même… car à l’heure actuelle, son esprit est ailleurs.
Vers un tas rutilant et pas si éloigné que ça.

Aiguisant sa lame, le quel'dorei attendait patiemment la suite des événements. S'il était inquiet à propos de la situation de son groupe de rescapés de la jungle, ou des autres dont il n'avait aucune idée de l'état il ne le montrait pas.

Son regard bleuté observait les nains et gnomes en "mission" dans le Bassin de Sholazzar, surveillant notamment l'état de la sapeuse de la compagnie. Mais avant toute chose, c'était son confrère de Quel'Thalas qu'il avisait surtout, l'ancien prisonnier du Fort Pourpre.

Là encore, s'en remettant au jugement des officiers Raelor ne disait mot, n'affichait aucune émotion particulière. Mais ses nuits étaient courte et sa veille longue.

"Il faut pas s'arrêter, non non non ! Si on s'arrête, Porte-Bonheur, on va geler sur place ! Oublie le blizzard et avance !"

Si il n'avait pas été aussi exténué au moment où le chef de caravane lui avait rétorqué cette réponse, Dibbs l'aurait probablement étranglé de ses propres mains. Mais à une telle altitude, perché sur le toit de la Pandarie et à l'étroit sur une corniche sinueuse entre ces deux yacks, il n'avait d'autre choix que de s'en tenir aux conseils de ce grumelot à la voix si criarde qu'elle parvenait à se frayer un chemin à travers le vent hurlant pour venir percer ses tympans. La barbe tapissée de givre et les membres engourdis, il adressa un regard noir à son voisin qui n'en menait pas plus large que lui, emmitouflé dans sa cape.

"J'ai bien peur que notre vie ne tienne qu'à un fil, et que ce dernier soit entre les mains de Bartup, monsieur Boyle...

D'un haussement d'épaules, Taleth se remis en route, tandis que Dibbs tirait sur son bout de corde pour motiver le yack derrière eux à les suivre. Autour d'eux, aucune lueur, aucun relief ne perçait à travers cette blancheur immaculée, pas même le vide à quelques pas de lui. Il ne restait que cette corde à suivre, et la voix insupportable de Bartup au loin. A cet instant précis, il en était certain, sa carcasse transie jusqu'à l'âme, il n'avait jamais eu aussi froid de sa vie.




Il n'y a pas à dire, ça ne m'avait pas manqué...

Il se trouvait plus au moins au chaud, à présent. Ils étaient parvenus à échapper au tourment de la tempête de neige en se réfugiant dans cette bâtisse, bien qu'ils ne soient pas tout à fait à l'abri de la morsure du froid, cette dernière sinuant aisément à travers les murs fragiles et le char du Fléau servant à barricader la porte défoncée. De tous les adversaires, le froid était un ennemi que Dibbs avait appris à redouter; d'ordinaire facile à vivre et bien en verve, le colosse s'était au cours de ces quelques jours d'isolement forcé muré dans un silence quasi total, réduisant ses interactions sociales au minimum et se contentant d'assurer ses tours de garde devant l'entrée barricadée. Il s'agissait d'économiser ses forces, d'une part, mais surtout de ne pas baisser sa garde.

Il ne connaissait que trop bien ce genre de situation : coincé derrière les lignes ennemies, sans ordre de mission et forcé de composer avec les moyens du bord. C'est dans ces moments là que le pire de chacun se révèle. Lorsque le doute s'installe dans l'esprit des soldats, que les supérieurs sont dépassés par les évènements, et que l'instinct de survie prend le pas. Il n'était pas question pour lui de revivre cela. C'est pour cette raison précise qu'il avait soulevé un doute lorsqu'il fut ordonné de tuer ce vieillard et de fouiller sa maison; si il n'avait pas une grande expérience du Fléau ni du Norfendre, il connaissait en revanche les conséquences d'un ordre tel que celui-ci, pour en avoir déjà formulé de semblables par le passé. Il n'était pas question de redevenir le même homme qu'il était à cette époque là. Ils en payaient peut-être actuellement le prix, ainsi pris au piège, mais c'était un prix qu'il était prêt à payer pour sa part.

Aussi, il s'était donné pour mission de surveiller chacun des mercenaires comme il le pouvait, se tenant prêt à intervenir au cas où de nouvelles dissensions prendraient le dessus au sein du groupe. Relisant quelques uns des parchemins traînant dans son sac, il guettait la fin de la tempête, tassé dans un coin de la bâtisse, ses sens en éveil luttant contre l'engourdissement et la torpeur dans lesquels le froid cherchait à le plonger.

Elle fût depuis toujours la plus rude des saisons. La fin d'un cycle. Une période morne qui souvent rimait avec des pertes nombreuses, faute de vivres, de la faiblesse de l'âge, du froid, ou bien encore des créatures malfaisante qui rôdent dans la nuit interminable.

C'est également là où nous nous faisons surprendre par les plus vicieux des monstres, les plus mauvais, ceux qui se cachent au fond de chaque homme, et de chaque femme. Ceux qui sont prêts à tous les crimes au nom de la survie.

Le commun des hommes a connu la chance de ne vivre ces épreuves qu'un quart de l'année, un passage rapidement oublié dès les premières lueurs du printemps. Pour un royaume en particulier, l'heure de l'hiver ne s'est jamais arrêtée.

C'est face à l'une des fenêtres barricadées que le sorcier sera vu le plus clair du temps, veillant sur l'extérieur, ses yeux azurés sondant le blizzard, souvent sous le couvert chaotique des volutes de fumée grise. L'alteran fumait plus que de raison, recrachant tant de fumée que de pensées que le commun jugerait mauvaises.

Il passait en revue toutes les possibilités, les conditions, les choix, qu'ils soient moraux ou non, adressant des regards à chacun des mercenaires avec lui, étudiant leur comportement, leur état mental, et même physique, afin de déterminer qui était le plus à même de flancher le premier. Sans jamais se remettre en cause lui-même. Il n'en était plus à son premier hiver, ni à ses premières décisions, lui serait prêt.

Mais eux, le seront-ils?

'Tain les enculés... Ils ont tenté d'me voler seize marques là !

La rancune c'est bien ce qui caractérisait le plus l'Alteran. Cette nuit durant laquelle on l'avait attaché de force, ce connard de nain qui boude parce qu'on l'écoute pas, et qui se ramène avec sa corde ! "Enfoiré !" L'homme au chapeau de pauvre avait quand même changé depuis sa "maladie". Devenant un peu plus exécrable avec certains, et au contraire plus sympathique avec d'autres. Mais une chose n'avait pas changé, c'était un nerveux.

Mettez un rat agressif en cage, il le sera d'autant plus. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait dans ce genre de situation, la dernière il avait même une pistole braquée sur le crâne. Et pourtant, il aurait presque préféré s'y retrouver avec des membres du syndicats, plutôt que certains des mercenaires. Il en craignait un plus que tous les autres, car de par son origine, il savait de quoi il pouvait être capable. "Un Alteran, sorcier, avec une armure de plaques. Le mélange le plus infâme possible." Cumuler la sournoiserie de son pays, avec une magie relativement puissante et une armure très résistante, ça fait un mélange bien flippant.

Il était de retour, et bordel ça faisait du bien. Après avoir lâché un clin d'œil à ses petits préférés, il aura commencé par récupérer les pistoles de Jean et Druss pour les ajuster, et réparer les dommages que le froid leur avait possiblement causé. Son équipement complet aura aussi été passé en revu, démontant et remontant chaque grenade pour vérifier qu'elles étaient encore utilisables. Il aura d'ailleurs fait passer le mot que si certaines personnes souhaitaient de nouvelles pistoles, ou des réparations sur leur équipement ou autre, ils pourraient venir voir l'Alteran.

Citation :

C'est environ une heure et demi après le groupe du sergent Brisby que le reste de la compagnie sera arrivée à bon port. Ils n'auront subis que quelques assauts timides de frigbolds en suivant soigneusement les piquets posés par Osvald et Taleth.

Avec eux viendront les tentes et le bois pour les feux. Le campement se montera en un rien de temps dans le froid nocturne et Brisevent sera réquisitionné pour dresser une palissade de glace autours de de l'avant-poste des mercenaires : d'abord pour le protéger du vent et éloigner les charognards.
Les débris auront été nettoyés et mis en tas dans un coin et des tours de garde instaurés et organisés pour veiller aux alentours.

Les permissions auront été suspendues et les mercenaires auront l'interdiction de s'éloigner du campement sans l'autorisation d'un officier.

Citation :

Les mercenaires auront été réveillés au matin par le son d'un clairon, semblant provenir du centre du camp à six heure très précisément. De quoi alarmer les "désignés volontaires" pour monter la garde derrière la palissade de givre dressée la veille et tirer d'un sommeil réparateur les autres moins matinaux.

Lorsqu'ils se tourneront pour tenter de voir l'origine de ce bruit, rien. Seulement la neige et le vent. En revanche, après quelques minutes, montera depuis l'endroit ou vous avez démonter la forge, un tintement, discret, d'abord, difficile à discerner dans le sifflement des bourrasques, puis de plus en plus net. Jusqu'à ce que finalement, ils voient apparaître, spectral, un... Forgeron, tout ce qu'il y a de plus banal, jeune homme d'environ 25 à 30 ans, qui s'affaire sur une épée toute aussi spectrale que lui. Il porte la livrée de la croisade écarlate, et est emmitouflé dans une impressionnante cape de fourrure.

Il ne semble pas vous avoir remarqué. Tout au long de la journée, d'autres individus fantomatiques apparaîtront, vivant leurs vies comme dans un camps militaire classique, si ce n'est qu'ils interagiront pas avec les ruines de leur campement - dont vous les avez privé - mais avec... Du vide. Il semble y avoir quelques officiers, autour d'une table de commandement qui n'existe plus depuis bien longtemps. Il y a, en tout, une vingtaine d'individu, pour ceux étant parvenu à les compter.

Ils vous ignorent, tout comme le forgeron. Mais vous entendrez leurs voix, ils échangent entre eux, semblant préoccupés. Impossible de comprendre leurs paroles toutefois.

Peut-être est-il possible de leur faire prendre conscience de votre venue ?

Le maître enchanteur aura tenté sa chance auprès des spectres. Faire le lien entre différents mondes, il en avait l'habitude depuis toujours. Cette fois-ci suivait une description simplement plus littérale.

Sans concerter quiconque, il se sera installé auprès des quelques spectres tenus en cercle, tel des officiers. Sans même se saluer, il s'est incrusté, comme s'il faisait parti de leurs effectifs. On aura alors pu le voir parler aux morts, sans réponse.

Non, seule une ultime tentative eut visiblement un effet sur le sorcier. Lorsque ce dernier saisit le bras du fantôme à ses cotés, toute la scène se sera alors figé, reprenant malgré un certain trouble. Un trouble qui affecta tout autant Salvador, dont les traits trahissaient alors une forme de confusion.

L'expérience fût brève, et ceux qui n'y ont pas traité attention n'auront même pas remarqué ce manège étrange. Le mercenaire se retirera peu après sa tentative, pas plus avancé qu'avant à priori. Mais plus songeur.

L'alcool et le tabac prendront rapidement le relai au sein de ses habitudes.

Un tunnel. 
Un tunnel prenant sa source dans une étendue de neige.
Le souvenir de Féralas mêlé au glacement de son sang dans les hauteurs de Chantorage. Un véritable cauchemar.

Et pourtant elle se sentait prête a s'y engouffrer, cette fois ci. Non pas parce qu'elle le voulait, encore moins parce qu'elle s'en sentait le courage, non.
Mais parce qu'elle n'allait pas le laisser y aller seul. 

Attendre, dans ce froid? Non, jamais. Quitte a y laisser sa peau, elle irait, dusse t-elle en sortir son cadavre si il ne restait qu'elle. 

Il était hors de question de le laisser périr sans se donner la moindre chance, et ce, en dépit de tout les secrets qu'il cachait encore.

Alors elle se contenta de revenir a ses ouvrages, les ouvrant discrètement a l'abri des regards, grapillant la moindre aide, les heures et les jours avant la descente infernale.

Et dans le silence tout relatif de la nuit, un murmure, narquois, à ses oreilles, semblables a un tout petit démon sur son épaule, imaginaire.
Oui, elle déchainerai les enfers, si nécessaire.

Citation :

Mercenaires,

Je suis venue dans cette compagnie pour apprendre à voir Azeroth autrement, sur les incitations de mon maître. En ce sens, ces brefs instants passés à vos côtés m'ont beaucoup apporté. Ne doutes pas que, jusqu'au dernier instant, mettre ma vie en jeu à vos côtés étaient ma volonté.
Merci, à chacun d'entre vous, d'avoir participé à mon apprentissage.

Quelques mots et possessions - si elles sont encore en état - pour certains d'entre vous :

A Raelor Solembrase,
Veuillez accepter mon Bracelet de régénération, qu'il vous rende ne serait-ce qu'une infime portion de la protection que vous m'avez accordé. Vivez et faites battre l'ardeur de cette Lumière que vous chérissez tant.

A Illthres Vivelune,
Veuillez accepter ma Bague de vivacité, qu'elle guide vos pas sur les sentiers de la sérénité. Puissent les enseignements de nos maîtres vous protéger des millénaires durant.

A Caleb Warvold,
Veuillez accepter mon Anneau de précision, qu'il rappelle à vos souvenirs nos instants passés et vous soutienne dans vos nouveaux objectifs.
(Veuillez lui envoyer le double de cette lettre.)

Que la Grue Rouge protège à jamais vos cœurs du désespoir,
Alassae Lunargent.

Citation :

Une catastrophe. C'était le mot le plus parlant pour exprimer ce qui s'était passé pendant la nuit.
Bien qu'incapables d'en comprendre les causes et encore moins d'en prévoir le conséquences, les mercenaires s'étaient éveillés sous un ciel fracturé et ténébreux.
Les rares sentinelles qui avaient assistés à l'évènement avaient parlés d'une brisure dans l'espace qui semblait provenant de la Couronne de glace, épicentre de l'évènement.
Bizarrement, rien d'autre ne s'était passé.

Toujours est-il que le capitaine avait rassemblé les mercenaires au matin, malgré l'épuisement de certains et ordonné le démontage du campement.
La compagnie avait ensuite pris la route en direction du sud et de port Moa'ki. Ils y avaient passés la nuit, avant d'embarquer sur les habituelles tortues géantes jusqu'au village d'Unu'pe. A mesure qu'ils s'éloignaient, la fracture semblait plus distante, moins réelle, mais pas moins menaçante.

Une nuit de plus sous bonne garde, et c'est un cheminement au travers des mornes plaines de la Toundra boréenne qui avait conduit les mercenaires à rejoindre le donjon de la bravoure.
Partant immédiatement rencontrer le commandant de la forteresse, le capitaine aura fait louer une auberge de la ville ou les dortoirs serviront à accueillir les mercenaires pour quelques jours. Le temps d'éclaircir la situation et de trouver un nouveau contrat.

Les permissions avaient été rétablies mais les mercenaires eurent rapidement l'ordre de ne pas aller se promener en Norfendre et de privilégier les zones urbaines et sécurisées.

Tout au long du trajet jusqu'au Donjon de la Bravoure, le sorcier - bien qu'épuisé des derniers évènements - n'aura pas quitté des yeux l'étrange phénomène qui fracturait les cieux. Régulièrement, il lorgnait par-dessus son épaule cette faille béante à mesure qu'il s'en éloignait.

Une attitude qui se prolonge au gré des plusieurs jours de voyage. Et une fois à même leur destination, il se hissera la plupart du temps jusqu'au sommet des remparts pour contempler plus posément le ciel brisé, ces émanations orangées, les blocs célestes qui se fissurent, et se désolidarisent du reste pour s'envoler jusque dans un autre monde. Un au-delà dont il n'avait jamais jusqu'alors soupçonner l'existence.

Ainsi l'alteran pouvait-il être vu à méditer, les yeux rivés sur cette anomalie, tout en se nourrissant de ses différents vices, le tabac, l'alcool, et l'arcane le maintenant éveiller jusqu'au plus tardives heures de la nuit. Parfois partageait-il quelques-unes de ses observations avec des gardes curieux de le voir planter là, et si certains insistaient pour qu'il quitte son emplacement, il règlera la question par quelques pots-de-vin pour gagner quelques instants de tranquillité et ainsi poursuivre cette macabre contemplation.

Que penser de tout ça ? C'était l'unique pensée du Champion de la Rétribution. Une pensée obsédante ne le quittant qu'au coucher et revenant à l'assaut au lever. Que penser de cette compagnie, que penser des évènements en cours, que penser de mener une vie sanguinaire alors qu'il pourrait être tranquillement à Kharanos. Que penser de ces frères et soeurs d'armes.

Durobar était assis sur une chaise à l'intérieur de l'auberge. Non loin de lui, l'âtre où brulait une nouvelle bûche mise par l'aubergiste. A sa droite, une chope de bière brune, à sa gauche, un petit pot d'encre et une plume. Devant lui, un vélin vierge. A sa bouche, une pipe finement ouvragée où une fumée odorante et opaque s’en échappait. Les sourcils froncés, il se remémorait de la dernière échauffourée, de l'elfe voulant jouer à l'héroïne pour finalement se retrouver à la même place que tous les autres avant elle et tout ceux qui y passeront après elle. Un soupir s'échappe de ses lèvres lorsqu'il trempe la pointe de la plume dans l'encre, tournant le liquide lentement dans un sens, puis dans l'autre. Il n'avait pas encore décidé s'il devait écrire à son cousin, ou écrire une lettre de démission. Il était clair pour lui que sans structuration, sans officier, sans sous-officier, les mercenaires avaient tendance à suivre la voie du chaos. Il n'y avait que lorsqu'il y avait quelqu'un de gradé qu'ils se tenaient plus ou moins bien. Ça l'exaspérait au plus au point.

Plongé dans ses pensées, il griffonna quelques mots sur le parchemin avant de raturer et de retourner cette dernière. Ce n'était pas maintenant qu'il devait démissionner. C'était le Champion de la Rétribution après tout. Quoi que ça veuille dire. Le Nain se devait de montrer l'exemple. S'il partait maintenant, il aurait l'air d'un lâche, d'un faible. Cette pensée le fit marmonner quelques choses d'inintelligible. Formant des lettres dans son propre langage, il était décidé à envoyer un courrier à son cousin qu'il n'avait plus vu depuis longtemps.

"De Durobar Saute-Montagne,
Quelque part en Norfendre.
À Dulgrir Rougebarbe,
Quartier des mages.



Très estimé cousin,

On est pas très loquace dans la famille, comme tu le sais. Les lettres, les marques d'affection, ça ne nous touche pas plus que ça. Pourtant, j'ai eu l'envie de t'envoyer ce courrier que tu recevras surement très vite. Tu sais, tout comme moi, que les boîtes aux lettres sont magiques. Tu glisses une lettre et dans l'instant d'après, elle est à l'autre bout du monde. Je serais curieux de savoir comment ça marche, comment ça marche réellement !

Mais ce n'est pas pour ceci que je t'écris, mon cousin. Tu m'as souvent reproché d'avoir changé de nom de famille. Tout comme tu m'as souvent reproché d'avoir quitté l'armée, ce que tu as fait un an plus tard alors que tu étais chez les Montagnards. Tu m'as aussi reproché d'avoir fondé ma propre compagnie de mercenaire et pour le coup, tu avais raison. C'était qu'une bande de glandus. Tu m'as aussi reproché d'avoir rejoint une compagnie dont son nom est célèbre pour avoir le plus haut ratio de mort. Peut-être aurais-je du voir en ceci une marque d'affection de ta part. Cependant sache, cousin, que je suis devenu leurs champion. Par mes actes, par ma bravoure et sans doute parce qu'ils n'avaient personne d'autre d'assez débile pour l'accepter.

Je pourrais te raconter tout ce que j'ai fais durant le temps où j'ai rejoins la Rétribution jusqu'à maintenant mais cela ne tiendrait plus d'une missive mais d'un dictionnaire. Si je t'envoie ça, c'est pour une bonne raison.

Nous avons encore eu un mort, mercredi. Une elfe, Alassae Lunargent. Elle était bien trop discrète pour que j'ai quoi que ce soit à raconter sur elle, en positif tout comme en négatif. Elle a voulu jouer à l'héroïne, elle est morte. Sa faute, pas la notre. Tu sais que ces métiers renforcent le cœur et l'esprit. Si bien que j'ai l'impression que le miens est maintenant aussi dur que la pierre.

Cependant, ce n'est pas encore pour ça que je t'écris.

Si tu ne l'as pas déjà entendu, parce que tu sais que les bruits de couloir sont parfois les plus rapides. Il y a un couac au Norfendre. Le ciel, mon cousin, le ciel est détruit. Je sais que ça peut paraître fou et non, je n'ai pas eu un excès d'alcool ou une magie illusoire. Je t'assure, Dulgrir. Il y a, je ne sais pas comment le décrire, une fissure large, très large. Tout autour, le ciel est craquelé et cela donne sur je ne sais quoi. Ça peut paraître dingue, je sais mais c'est réellement le cas ! De sombres évènements sont à venir, je te le dis. Prend soin de ta famille. Emmène les en lieux sûrs. Si tu peux, quitte Hurlevent et retourne à Forgefer. Je sais que tu n'aimes plus cette ville. Qu'il y a trop de Sombrefers, trop d'étrangers. Je sais pourquoi tu les haïs autant mais arrête d'être con et retournes-y. Là-bas, tu seras en sécurité. La grande porte se refermera en cas de problème et tu ne risqueras rien.

Que la Lumière vous garde et garde une chopine pour moi,


Pliant cette dernière et utilisant la cire de la bougie pour la sceller, le Nain attrapa l'un de ses anneaux de barbe, une chevalière en argent portant son ancien nom. Il la pressa contre la cire avant de la remettre en lieu sûr.

Le Nain quitta l'espace d'un instant fugace l'auberge pour y glisser la missive avant de reprendre sa place. De sombres évènements, répétait-il en fumant sa pipe, l'air soucieux.

« Dans les ténèbres les plus sombres, même la plus infime lumière suffit ; car Sa clarté éloigne le mal et protège le faible ; car sa Force investit ses suivants ; car Rien n’existe sans la Lumière. »

Colin se le rappelait sans cesse à l’esprit depuis la grande fracture ; ses doigts trituraient alors nerveusement la croix suspendue à son cou, et cela lui faisait se pincer les lèvres lorsqu’elle le remarquait.
Ce geste plein d’anxiété, elle souhaitait le réduire au maximum ; cela consistait en son devoir, après tout, de rassurer les autres – quand bien même cela soit face à l’inconnu, et qu’elle soit elle-même terrifiée devant.

Nul n’aurait pu être prévoir un tel événement ; Azeroth n’avait-elle pas suffisamment souffert ? A l’évidence, ce n’était pas le cas. Et la prêtresse s’en trouvait bien désemparée. Elle avait passé de longues heures à prier la Très Sainte, attendant des réponses qui ne venaient pas. Qui ne viendraient probablement jamais. Car ainsi était la Lumière. Pourtant la jeune femme ne perdait pas espoir ni ne se départissait de son sourire avenant, adressé à tous.
Car là encore, la raison était très simple :  

« La Lumière nous protège, ayez Foi en Elle comme je l’ai en vous. »

Si certains mercenaires se demandent quel est ce bruit étrange de bois coupés, et bien, ce sera le Druss, debout aux alentours de quatre heures du matin, ayant une sacré gueule de bois, torse nu malgré le froid du Grand Nord, abattant sa hache encore et encore sur les bûches devant l'auberge, le visage neutre, les yeux sombre.


Il revoit le visage livide du médecin, le regard triste -et peut-être un brin apeuré aussi -, limite en colère contre lui même, ses mains tremblante tenant ses lunettes, s'attendant à recevoir la correction de sa vie.
Si il était le même homme qu'à ses vingt ans, Addlin aurait sans doutes répondu à sa demande. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'il avait passer à tabac un pauvre gus, simplement à cause d'une crise de jalousie.




Heureusement, il était plus vieux maintenant. Et avec un meilleur self-control. Certes, il s'était presque cassé les phalanges à force de serrer comme un beau diable la chope de fer contenant son hydromel, alors que Pelissier expiait ses péchés devant lui, la mine triste et coupable.
Mais, il s'était retenu. Et puis, à quoi bon le frapper ? Il n'y avait rien entre la prêtresse rousse et lui. Juste... des paroles, et l'imagination du guerrier à la hache, s'imaginant déjà qu'un grand malabar comme lui pourrait, POURRAIT sortir avec une belle femme aussi classe et chic qu'elle, toute pomponnée, loin d'être les souillons qu'il avait l'habitude de fréquenter.

"Bhé non, du con. Bien sûr qu'elle allait choisir l'intelligent et charmant docteur." rage-t-il entre ses dents, serrant à deux mains sa hache, sentant limite la peau craqueler autour de ses doigts.




Il se sentait triste. Furax. Ivre. Déprimé. Il avait envie de tabasser un mort un truc avec sa hache, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une une bouillis difforme et ensanglantée.
Mais, était-il en colère contre Jean ? Peut-être un peu oui, après tout, il savait ses sentiments pour elle.
Contre Marie ? Pas du tout. Pourquoi le serait-il ? Il n'y a rien eu entre eux, même si il aurait aimé. Et maintenant, au moins, il était certain qu'il n'y aura jamais rien.



"Bordel, plus de bûches." soufflant du nez, il regarde son oeuvre, des dizaines et dizaines de morceaux de bois, parsemant limite les abords de la rue, certains envolé par la fougue du mercenaire. Il reste inerte, silencieux, impassible, observant l'océan un instant, ne tremblant même pas face au vent arctique.
Puis, il rentre à l'auberge, tâchant de récupérer un peu de sommeil et d'être prêt pour une nouvelle journée, peut-être un nouveau combat et d'autres tourments.

Citation :

Depuis l'arrivée des mercenaires le fort recevait peu de visiteurs. Une quinzaine de soldats du concile casernaient là et se mêlaient bien volontiers à la vie des mercenaires.
Humains et nains dans la majorité, ils n'étaient pas avares en histoires ou renseignements sur l'île et leur organisation et se montraient d'une compagnie agréable. Il était toutefois évident que certaines paroles pouvaient être scrupuleusement rapportées malgré cette plaisante façade.

Les Fils du feu se montraient plus rarement. Parfois, un ou deux d'entre eux faisait mine d'avoir quelque chose à faire au fort et en profitait pour fureter ci et là, tendre l'oreille ou s'entretenir avec un soldat à voix basse.
A l'autre bout du pont, plusieurs d'entre eux montaient la garde en permanence et décourageaient ceux qui cherchaient à transgresser le règlement du Concile.