Rumeurs de la compagnie

Citation :

La nuit se sera déroulée sans qu'une nouvelle attaque ne vienne troubler le calme relatif du village. En apparence du moins.
La tempête n'aura en revanche eu de cesse de tremper jusqu'aux os les défenseurs tandis que vent et tonnerre se chargeait de mugir dans leurs oreilles.

Le temps commencera à se calmer au point du jour et les villageois mirent enfin le bout du nez dehors, certains courageux se firent même un devoir de reconstruire certaines dégradations commises par les assaillants ou creuser une fosse commune pour les corps des victimes ennemies et des tombes pour les défenseurs.

Une rumeur se répandit rapidement : Un conscrit avait disparu pendant la nuit et les recherches menées pour le retrouver aux abords du village furent totalement infructueuses. Aucun corps ou traces de lutte ne furent retrouvés à quelque endroit que ce soit, bien qu'il eut été probable que la tempête aurait de toutes manières effacée celles-ci.

Aux alentours de midi, un détachement de conscrits et quelques gardes gris dépêchés depuis la capitale se présenta aux portes de Cap-tempête. Messire Constant permis alors aux mercenaires de regagner la capitale tout en adressant de pompeuses, mais sincères salutations à ces derniers.

C’est un poids au cœur, c’est une libération mêlée de regrets, une bouffée d’air frais alourdie de culpabilité, de tant d’émotions contradictoires qu’elle doit se recentrer un moment avant de quitter la tente vidée, avant d’accepter son choix et enfin avancer d’un nouveau pas vers un futur paisible.

A l’aube, deux silhouettes familières sortent du camp après quelques accolades, vêtues d’habits de civils et le pas vif. Les uniformes sont restés pliés derrière, les armes redonnées à l’intendance, les derniers mots échangés la veille au soir et les courriers privés laissés en sécurité pour une poignée de mercenaires :  Apollon, Colin, Mischa, Mira, Merveilleuse et Thesryn.

Il ne reste qu’une lettre publique. Affreusement longue, mais qui pourrait s’en étonner.

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Citation :

Il m’est difficile d'écrire ce dernier chapitre dans la compagnie, de clore pour de bon le livre qui aura à jamais changé ma vie. Pourtant, il est temps d’y mettre fin. Vous me connaissez assez, en tout cas je crois, pour savoir à quel point j’aurais aimé rester et donner ma vie pour les autres, toute mon énergie pour cette belle bande d’acharnés.

Mais je ne suis plus seule, ce genre de sacrifice idiot n’est plus possible. Je m’en vais avec regret mais c’est pour le mieux. Les plus anciens comprendront sans mal quand je dis ne pas vouloir recréer la tragédie qui frappa Gatsi l’an dernier. Perdre la personne qui, au milieu de tout ceci, est devenue infiniment plus importante que les combats et les victoires.
Personne n’est à l’abri, et une nouvelle porte s’ouvre pour Hilliard et moi. Une porte que j’espère que vous trouverez aussi un jour, à votre manière.

Mais bref, je ne veux pas alourdir le campement d’une lettre morose, alors passons aux choses plus intéressantes !

Al’Zanzi, le Bâton astrologique troll revient à l’intendance. Je me voyais difficilement le refourguer à quelqu’un. De même pour mon Bibelot Sacré qui n’a pas de mains dévotes à retrouver pour l’instant.

Mon Collier de bravoure revient à Mira. Rien qu’au nom, ça me semble des plus approprié.

Pour ce qui est du reste de mes colifichets, je ne vois pas de meilleure manière de les distribuer que de respecter la tradition de l’infirmerie, et permettre aux nouvelles générations de mieux survivre, donc :

Mon Bracelet de régénération va au nouveau membre de la première ligne, Jeannot.

Ma Bague de vivacité va à la nouvelle addition de l’équipe des tireurs, Afy.

Ma Sacoche de bataille va au nouvel arrivant dans l’infirmerie, Millain. Désolé qu’elle ne puisse vous être utile pour l’heure, ainsi je compense en vous léguant également mes deux antidotes.

Et maintenant pour la liste des « petits » mots, je vous épargne les plus gros pavés que j’ai jugé bon de directement donner aux concernés, ça vous évitera de la lecture inutile.

Aldereth Malveras. Etrange de commencer par vous, je sais, mais je reste une prêtresse de bonne éducation et partir sans vous adresser le moindre mot me paraîtrait bien malpoli. Je ne sais pas si je vous ai bien jugé ou non, et ne chercherait pas à connaître la vérité sur vos intentions et vos motivations. Tout ce que je sais, et ce que j’ai vu, c’est que vous avez mis à disposition votre propre corps, votre essence, votre santé et bien plus encore en danger pour le bien de cette compagnie. Sans vous, bon nombre de missions n’auraient tout simplement pas pu réussir. Je vous sais entre de bonnes mains avec Mira, et prierais pour la réussite de votre « remise sur pieds ». Tâchez de ne pas trop jouer avec votre nourriture.

Chani Lumeciel. Merci pour tous ces mots, à chaque fois et sans faute, ces remerciements qui me donnaient un petit sourire à chaque fin de mission. C’était « juste mon travail », mais je l’ai toujours fait pour sauver vos trognes et la tienne restera longtemps gravée dans ma mémoire. Prend bien soin du petit Willy, tu en es largement capable. De lui et de ton matou. J’ai longtemps eu du mal à te comprendre sur ce point, mais il semble que l’histoire me donne à présent tort. Je prierais pour qu’une porte s’ouvre un jour aussi pour vous deux, pour une autre vie plus paisible.

Adjudant Dibbs Boyle. Lumière, qu’aurait-on pu faire sans vos grandes épaules, votre force indéniable même au cœur des combats les plus chaotiques, même sauvé par la chance et la détermination inespérée de ce mage au sommet de Roc-Azur. Je n’ai aucun doute sur tout le bien que vous faites et continuerez de faire dans ces rangs, des simples résolutions d’embrouilles au campement à Tornheim, aux choix plus difficiles qu’on vous force à faire ces dernières semaines. Vous êtes une ancre solide, une voix puissante qui perce les craintes des camarades que nous sommes pour nous porter plus loin. Apollon et vous, vous les mènerez tous sur le chemin de la victoire et de la survie. J’en suis certaine.

Druss Addlin et Ersende de Liesle. Lumière sait comment vous faites pour être toujours aussi légers et optimistes même avant de vous engager dans les pires affrontements... mais d’une manière ou d’une autre vous finissez toujours pas vous en sortir. Cabossés, en sang, mais bel et bien vivants. Ne laissant jamais place au doute, ou en tout cas pas assez pour vous empêcher de vous jeter devant les autres pour prendre les coups à leur place, qu’ils soient un, dix ou cent. Je ne compte plus le nombre de fois où je pensais vous voir tomber face à des hordes d’ennemis. Debout vous restez, et je prierais pour que vous le restiez bien longtemps encore, toujours l’un à côté de l’autre.

Iphigénie Kendal. Je regrette ne pas avoir plus essayé de retisser le lien qui s’était prématurément brisé. Il serait maladroit de trop m’étendre sans avoir réussi à venir te voir, alors je ne ferais que souligner le respect que j’ai pour toi, au moins de collègue à collègue. C’était un plaisir de me retrouver à tes côtés quand le danger faisait surface, une facilité que de pouvoir agir en harmonie, une seule question, un hochement de tête, et le travail était fait. Continue de veiller sur ces têtes brûlées avec le reste de l’infirmerie, je sais que vous les garderez tous sain et saufs.

Jeannot Dargan. Je ne te connais que très peu, c’est à peine si l’on s’est échangé quelques mots, mais tu m’as rappelé ma lointaine Abbaye, les pâturages calmes d’Elwynn et tous les gens qui peuplent notre belle forêt. Tout ceci est nouveau pour toi, sans doute impressionnant vu la campagne où tu as débarqué, mais tu n’es pas le premier à venir redécouvrir ta vie ici. Reste fort, aux côtés de tes camarades de première ligne, et tu progresseras avec eux.

Osvald Brant. De même, je ne crois pas que l’on ait déjà tenu une réelle conversation en dehors des missions, mais je fais confiance à votre inflexibilité et votre rigueur, surtout lorsqu’elle concerne une certaine brune brûlante. Vous formez un duo bien étrange, mais étonnamment solide dans vos constants renvois de balle. Continuez donc de harceler ces foutus sorciers, et si vous pouviez renvoyer une flèche ou dix à ces archers elfes je vous en serais très reconnaissante.

Sergents Rebecca Wyatt et Salvador Borghese. Je l’admet, vous associer ainsi m’amuse assez, mais ce n’est pas dans le but de vous agacer l’un autre. Malgré vos différents, vous êtes deux sous-officier que j’ai appris à grandement respecter pour votre efficacité indéniable sur le terrain, et encore plus pour tout ce que vous faites et mettez en place pour mettre toutes les chances de notre côté. Wyatt, votre ingéniosité et votre esprit vif a résolu plus d’un mystère, plus d’une enquête que d’autres auraient simplement abandonnés, en plus de vos tirs diablement bien ajustés. Borghese, j’avoue être jalouse de vos barrières et toutes les vies qu’elles ont et continuent de sauver dans les moments les plus critiques, en plus de votre improbable résistance et force de frappe. Je sais qu’avec vous les mercenaires continueront de progresser vers une inévitable victoire.

Rica Explorivet. Par pitié essayez de ne pas mettre le feu à plus de mercenaires. En tout cas pas les nôtres.

Pour tous ceux pour qui je n’ai pas trouvé assez de mots, je blâme le départ hâtif. Restez droits, la tête haute et l’esprit clair. Pour vous-même, pour votre survie et pour celle de ceux qui se battent à vos côtés. Je prierais pour tous vous revoir à votre prochaine permission.

La Rédemption ou la Mort.
Avec toute mon affection,

Et dans cette pâle matinée, le worgen avait troqué son épée trolle qu'il avait confié a nouveau à l'intendance contre son arme qui l'avait accompagné des années durant.

Quelques mots échangés avec Dibbs, la mine penaude, l'air coupable de le laisser ainsi, mais des mots suffisamment longs pour lui expliquer les raisons de son départ et le voilà qui avait suivi les pas de la prêtresse, sans plus se retourner.

Du reste de ses affaires, il avait déjà jugé bon de les redistribuer, n'emportant aucun souvenir de la rétribution avec lui. Et les intéressés avaient été contactés.

Citation :

Alors que la bataille de l'île de la Confrérie prenait fin, la Rétribution s'organisait déjà pour tirer le plus de profit de leur victoire.
Le Bricks de la Confrérie était désormais le leur et serait en premier lieu utilisé comme une grande barque idéale pour ramener tout ce qui leur tendait les bras ; les coffres de la Rétribution, bien sûr, mais aussi toutes les richesses qui appartenaient aux vaincus, ainsi que les provisions et le matériel militaire.

Il faudra, en ce sens, un autre aller-retour où les marins du Brise-Voiles auront été sollicité pour leur permettre de remettre le pied aux cordages. Et puis, aussi, parce que personne n'était vraiment en mesure de piloter le Bricks autrement qu'en le tirant avec des barques lors du premier retour au manoir.

Une fois l'île complètement dépouillée, les marins et une partie des mercenaires auront été sollicités pour rapatrier peu à peu le matériel en ville, plus précisément au campement de la Rétribution. Interdiction aura été donnée de consulter les coffres de la Rétribution avant que l'intendance ne s'assure de son contenu.
Le Bricks, lui, aura été laissé près du manoir pour l'instant.

Citation :

Au matin les mercenaires purent remarquer des mouvements de troupes aux alentours des portes. Ils furent informés qu'un échange de prisonniers avait lieu et que certains de leurs camarades allaient être libérés.
Et en effet, au bout de quelques heures, les carcasses amaigries et fatiguées d'Erwin Reynold, Maïra Oshean, Eldaanil et Gabriel Lemartes, suivis des marins Kirak Chargefer, Oli Tournepince, Shauda Davis et Liam Derick firent leur entrée dans le campement. Saluant leurs compagnons ils furent aiguillés vers le quartier des officiers pour s'entretenir avec eux.

C'est ce matin qu'on aura vu le jeune paysan se débarrasser de son armure ainsi que de son marteau et de son bouclier.

Il n'aura rien gardé et de toute manière n'avait rien initialement, à part une tenue salie par la boue et un chapeau.

Avant de partir il saluera Dibbs et Mira à sa manière. Il aura aussi donné à Mira son Bracelet de régénération lui demandant de le donner à une personne qui en aurait besoin.

C'est donc la veille après l'arrestation de Grégoire Bayer, grâce aux preuves accablantes de son implication avec le Marchand, et le retour du groupe de l'adjudant que le sergent Wyatt fut arrêtée par le Commandant de la Garde Grise Amity Whiter, chargée du meurtre du Vicomte d'Araxas.

Si la mage et l'adjudant Boyle ne semblaient pas surpris et que Rebecca s'était laissée faire dans le calme en échangeant même avec le commandant alors qu'elle lui passait les menottes, il était évident au visage soucieux de l'enchanteresse alors qu'elle était escortée hors du camp de la Compagnie qu'elle ne prenait pas la chose aussi bien qu'elle le laissait paraître.

Un dernier regard en arrière, et direction la Caserne. Sous bonne garde.

Colin ne se montrait plus depuis quelques semaines. Pourtant, ce n’était pas la faute à une quelconque surcharge de travail : l’intendance se portait bien – mieux, même, depuis que les caisses de la compagnie s’étaient re-remplies –, et l’infirmerie maintenait vivant et debout tout ce petit monde de mercenaires.
Non, la faute n’était pas à chercher de ce côté-là. D’ailleurs elle y passait également moins de temps, déléguant à son assistante – l’exploitée Elena – la plus grande partie du travail, et se reposant sur les autres membres de l’infirmerie pour faire ce qui devait être fait. C’était sans doute par acquis de conscience que la prêtresse venait y jeter de temps en temps un coup d’œil mais, du reste, elle évitait autant que possible de dépenser ses forces.
Aussi les entraînements n’avaient plus cours pour sa personne, et aucun n’aurait su l’y contraindre – n’était-ce pas là le privilège de son statut ? Elle observait parfois les mercenaires courir, soulever des poids, faire des tractions bien au chaud dans sa tente spacieuse, un thé à la menthe poivrée entre les mains.
Elle avait été longtemps à leur place, et bientôt cela ne serait plus le cas. Pour de bon, cette fois-ci. D’autres horizons les attendaient, ailleurs, un nouvel avenir. Il s’écrivait déjà dans sa chair, la modifiait résolument. En l’espace de quelques semaines, le ventre de Colin s’était agréablement arrondi, et l’habitude lui était venue naturellement de porter une main protectrice dessus.
Mère.  
C’était pour protéger son enfant à naître qu’elle se retirait ainsi, pour protéger son nouvel univers.

Spoiler:

Citation :

Un petit chariot destiné à l'intendance et contenant plusieurs caisses arriva au campement en fin de matinée. Le livreur discuta quelques instants avec l'intendante, échangea quelques paperasses et s'en retourna ensuite, sa charrette vide de son contenu.

Citation :

A l'aube un macabre spectacle s'offrit à la populace pressée arpentant les rues humides du Comté de l'Orage.
Un corps gras et massif se balançait en grinçant à une tour de la caserne de la Garde Grise, déjà énuclée par la nuée de freux affamés qu'attirait ce festin matinal.
La peau flasque et livide de son crâne chauve se déformait en de grossiers plis déjà bouffis par les intempéries et la mort.
Il avait fallût deux cordes pour supporter le poids du condamné disait-on même en chuchotant aux pieds de l'édifice sous le regard sévère des sentinelles du Comte.
Nul veuve toutefois pour le cadavre. Nul enfant à la vie brisée par l'absence.
Ceux-là étaient ses victimes.

Rebecca Wyatt était libre.
Mais Baudouin le pansu lui était mort.

Tôt le matin, escortée par la Garde Grise est dans une très petite forme, le sergent sera revenu au camp de la Rétribution. Le dos marqué de trois coups de fouet, épuisée et drainée, elle se sera dirigée sans broncher vers l'infirmerie pour être prise en charge et se reposer.

C'est en fin d'après-midi, un peu remise et profitant de sa liberté retrouvée que la mage se sera dirigée vers l'intendance pour y récupérer quelques documents, ses coupons, avant de revenir vers sa tente et celle avec qui elle la partageait. Rebecca avait été éprouvée par les dix derniers jours mais maintenant et malgré la fatigue, l'enchanteresse s'autorisait à sourire et se détendre, même si ça ne durait que peu.

Elle était libre.

Citation :

Dans la journée un coursier vint apporter au campement deux caisses. Soigneusement scellées, celles-ci portaient au pinceau rouge la mention "FRAGILE - NE PAS SECOUER" et furent confiées à l'intendance qui semblait savoir de quoi il en retournait.

Depuis son retour de captivité, l'enchanteresse de la Rétribution avait semblé profiter de sa liberté retrouvée avec une appréciation nouvelle. Après quelques jours à s'être remise de ses coups de fouets, la mage s'était laissée aller à déambuler en ville pour se dégourdir un peu les jambes mais également pour faire quelques achats semble-t-il. Elle semblait faire quelques allers-retours vers une même boutique de joaillerie, notamment.

La mage avait fini par revenir au camp avec une petite caisse un beau matin et avait rapidement filé à l'intendance pour s'y installer et travailler tant à l'abri des regards qu'en silence. Quelques incantations semblaient parfois entonnées et à d'autres moments c'est la lumière vive et bleu du managraveur qui aura pu trahir l'entreprise à laquelle se livrait Rebecca. De longues heures durant elle s'était adonnée à son art ainsi, avant de finalement ressortir avec un diadème d'argent gravé de runes dans une main et un onyx taillé en losange dans l'autre pour rejoindre la tente qu'elle partageait avec Mischa, passant de plus en plus de temps avec la spadassin d'ailleurs.

C'est en ce jour que l'œuvre de la mage semblait être enfin achevée. Ayant trouvé sa place sur la tête de Rebecca, le diadème orné d'un onyx noir semblant presque capté la lumière. Les branches étaient chacune finement gravées d'une demi-douzaine de runes formant de complexes enchantement dont elle seule avait le secret. Espérance, le sabre de marine, semblait également avoir trouvé refuge à son flanc.

Et plus que jamais la mage semblait assurée, inébranlable.

Citation :

La nuit était si glaciale que des épais nuages de buée se formait à chaque souffle des soldats. A leur tête, la large stature de messire Dubasting guidait les colonnes à travers la forêt. Torches aux poings, les conscrits scrutaient le sous-bois à la recherche des intrus qui avaient saccagés le domaine Harcourt.
Un affreux carnage dont les restes n'avaient pas manqué d'en faire vomir de dégoût le jeune Thibault Toufik, recrue récemment enrôlée et dont c'était la première mission hors des murs.
Aucun d'entre eux ne faisait le fier de toutes façons. Paysans, ouvriers et artisans, ils avaient pris les armes bon gré mal gré pour défendre les intérêts de leur pays trop souvent en guerre.
Pas pour se promener dans ce bois par une nuit si noire.
"Devant !" fît soudain la voix râpeuse d'une caporale.
En effet, des silhouettes lointaines filaient dans les bois pour disparaître de nouveau. Quelques flèches furent tirées sans atteindre la moindre cible. Thibault s'écarta du groupe, encore hagard et à la recherche d'un brin de calme. S'approchant d'un arbre la recrue heurta le corps mou d'un homme attaché au vieux tronc noueux. Bâillonné, sale et couvert de sang le bougre semblait mal en point. Pris de peur, le jeune homme brandit sa torche dans sa direction comme un enfant tenterait de chasser le monstre de ses cauchemars, prêt à frapper.
Une grosse main gantée d'acier s'abattit sur son épaule et la voix rocailleuse de Jehan Dubasting le tira de sa rêverie macabre.
"Qu'est-ce que tu fais mon garçon ? Tu vois bien que c'est messire Harcourt. Aides moi à le tirer de là.. ! Hé les gars, on arrête la poursuite, on l'a trouvé !" héla le chevalier à ses hommes.
Thibault ravala un nouveau renvoi avant de hocher la tête, pâle comme la mort.
Peut-être qu'il n'était pas fait pour ça.

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Le retour des mercenaires fût discret face à l'agitation causée par l'assaut. Les gardes gris à la porte ne posèrent aucune question quand ils franchirent les portes de la cité par la route principale après un long détour par les bois.
Le corps du pauvre Richard Roseau avait été enterré quelque part sous un arbre : un trou anonyme pour le sémillant bretteur qui avait définitivement donné sa dernière représentation dans un final sanglant.

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Dès le lendemain les rumeurs se répandirent comme une trainée de poudre en ville : Randall-Cairn avait lancé un assaut sanglant sur  le domaine Harcourt. Colportée par quelques mendiants la rumeur fit naître une colère sourde qui s'empara progressivement de la populace.
Archibald Harcourt fût érigé en martyr de la cause du Comte et les sujets de ce dernier firent bloc derrière sa cause. Le Seigneur du Comté de l'Orage et la noblesse en sortaient renforcés. L'heure de la riposte ne tarderait pas - qu'elle vienne d'un côté ou de l'autre.

Citation :

Les conscrits avaient quittés la place pour se déployer dans les avant-postes qui restaient aux forces du Comte. Plus personne ne riait dans les rues du Comté. Clameur et joie avaient disparues car la prise de Guelmer ne pouvait signifier qu'une seule chose : la guerre revenait au galop.

Les dernières volontés de la sorcière des moissons étaient brèves, concises, nul doute que d'autres mots plus personnels seraient distribués en parallèle.

Citation :

La fin est arrivée visiblement plus tôt que je ne l’aurais voulu et je mentirais si je disais que je pars sans regret. Qui ne regretterait pas de voir sa vie s’achever aussi jeune après tout.

Pour ce qui est de mes possessions :

À Afy je lègue mon collier de bravoure. Tu as le don d’en prendre pour ton grade et j’ai l’espoir qu’il t’aidera à rester en vie, fais attention à toi, et essaye de moins haïr le monde entier.

À Millain Selasias, le bracelet de régénération. Ta place te met au-devant des risques, et j’ose espérer que ce petit plus saura t’être utile.

À Déméter Lydon, je te laisse mon capturêve, je suis certaine qu’il te sera aussi utile qu’il l’a été pour moi.

À Adrogaste Kendal, ma plaque militaire de la Rétribution, puisse-tu avoir une fille un jour et tenir ta promesse.

Mes marques noires… Je dois admettre ne pas savoir, je laisse l’intendance les redistribuer à chacun tout comme Al'Zanzi retourne auprès de l'intendance.

Et enfin, à Osvald Brant, tout ce qu’il reste de mes affaires. Tout est à toi, fais-en ce que bon te semblera.


À vous tous, je n’ai jamais été doué pour les adieux, surtout lorsqu’ils sont aussi définitifs et couché sur papier en avance, certains auront un courrier plus personnel qui leur sera adressé, mais pour le reste…

Mon passage au blanc a été particulier, une autre ambiance, une autre façon de voir les choses comparés à ce que j’avais connu jusque-là. Pas en mieux, pas en moins bien, en différent.

Les soigneurs je pense fort à vous, je sais à que parfois ça peut être frustrant d’être oublié, de ne pas être celui qui a sauvé la donne par son attaque héroïque ou son rempart décisif, que c’est parfois ingrat, d’être soigneur, mais chacun au fond sait que vous êtes important. C’est la plus belle voie à suivre à mes yeux, alors tenez les en vie encore longtemps.

À l’état-major, que dire, je compatis. Je vois difficilement comment formuler les choses autrement, vous serez toujours pointé si ça se passe mal, vous serez forcé de faire des choix qui déplaisent, et de les assumer, mais j’ai toujours eu dans l’idée que malgré certaines maladresses vous œuvriez toujours pour le bien de la compagnie. Courage à vous.

Et à tous les mercenaires, les raisons qui vous ont poussées à rejoindre la compagnie sont variées, tout autant que vos caractères, vos ambitions, votre façon de voir les choses, votre notion de ce qui est juste et ne l’est pas… Pour autant vous œuvrez ensemble, et plus encore, votre réussite et votre survie dépend de vos compagnons. Parfois c’est une chose qui a tendance à être oubliée, mais seuls vous n’irez nulle part.

Ça a été un plaisir, aussi discret eut-il été, je n’ai jamais été très expansive je dois l’admettre, et j’espère avoir su poser ma pierre à l’édifice de ce que cette compagnie a accompli, vous avoir épaulé sans faillir, et ne jamais vous avoir déçu.

Alors adieu maintenant, tâchez de vivre la vie que vous désirez au lieu d’attendre qu’elle ne vienne vous chercher.

Iphigénie Kendal

Citation :

L'ours :
Appuyé contre le muret de pierres sèches qui ceignait son avant-poste le chevalier observait à la lorgnette les mouvements ennemis. Ses officiers à ses côtés attendaient en silence les instructions de leur chef qui se bornait depuis plusieurs minutes à un silence des plus inhabituels.
Au bout d'un moment qui avait paru durer une éternité, l'imposant guerrier se redressa.
"Ils vont attaquer le pont et débarquer des troupes sur les rives. Que notre artillerie se concentre sur les rives et que nos meilleures troupes défendent le pont. Le goulot d'étranglement nous donnera l'avantage."
Tous acquiescèrent d'une seule voix.
Le chevalier abaissa le vantail de son heaume et s'empara de sa masse pour se diriger vers le pont. Il lisait l'appréhension de ses hommes. Les visages décomposés de peur et de détermination mêlées. Il partageait ces sentiments.
Le chevalier frappa son bouclier de sa masse avant de s'époumonner, sa voix grave et chantante tonnant par-dessus le vacarme.
"On le fait pour le Comté, pour la Lumière et surtout pour nos culs. On va les renvoyer là d’où ils viennent. Aux armes les gars !"
La clameur des hourras ne dura que le temps que s'abattent les premiers tirs d'artillerie.

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Le loup :
"Gouverneur ! Messire Dubasting est débordé. Il demande du renfort. L'avant-poste cèdera si rien n'est fait."
"Messire d'Irevent, la mine est en train de perdre la bataille."
"On reçoit des informations d'attaques sur le manoir. Que fait-on ?!"
Penché sur la table de commandement Gerlan d'Irevent regardait ses officiers s'énerver et se débattre contre l'insoluble.
La douleur à sa jambe se faisait de plus en plus prégnante. Il ne savait pas pour combien de temps il en avait encore mais il ne voulait pas être emporté par ce mal qui le rongeait.
Le Comté qu'il s'était échiné à bâtir tombait en pièces et il se sentait impuissant.
Il détestait ce sentiment.
La mâchoire crispée le vieux loup frappa soudainement du poing sur la table. Un silence brutal s'empara de la salle de commandement et tous les yeux se fixèrent sur lui.
"Envoyez les troupes des nobles à Dubasting. Ils vont râler mais il a besoin de soutien. S'il craque notre plan avec les mercenaires s'effondre. Dites à Constant qu'il doit saboter la mine et se replier si ça tourne mal. Sans délai."
Il marqua une pause et passa son index sur l'arête de son nez.
"Une monture sergent ! Prévenez le commandant Whiter. Elle prend le relai. Faites mander Briselame et ses chevaliers. Je vais m'occuper de ces chiens qui menacent mon neveu."
L'incrédulité ne dura pas. Tous savaient une chose : quand le gouverneur parle il faut obéir.

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Le sanglier :
Des morts partout. Pas de civils mais des soldats. Les leurs mais pas que, qui jonchaient le sol boueux de ce village trop petit pour autant de victimes. Le dizainier contemplait le macabre tableau en marchant d'un pas lourd, évitant les cadavres.
Hubert Constant avait tenu bon. Confiant la retraite à son second il n'avait accordé à l'ennemi aucun répit. Faisant payer chaque pouce de terrain aux hommes du marchand et aux mercenaires de Bratislav.
La mine avait même explosé en pleine bataille. Il faudrait des semaines pour la remettre en état.
Tu parles d'un gâchis.
Pris dans sa rêverie il buta sur un corps adossé à une maison. Un étendard des Irevent dans une main et son épée dans l'autre. Quatre adversaires gisaient à ses côtés, emportés avec lui dans une mort qui n'avait pas de sens.
L'officier se remis en route en sifflotant une cantique joyeuse. Fallait bien chasser l'cafard. Demain serait pas mieux qu'aujourd'hui.

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Le lion :
Quel plus beau spectacle que le chant de l'acier résonnant sur le champ de bataille, se dit messire Richard en franchissant le passage de la Crête aux éclairs à la tête des forces de sa dame.
A sa grande surprise la baronne avait demandé à son écu-lige d'intervenir. Il en était satisfait car les serments signifiaient pour le paladin quelque chose de sacré. Il détestait avoir à en rompre.
Devant lui il percevait l'écho vorace de la guerre qui avalait progressivement toutes les femmes et tous les hommes sur le champ de bataille. Il sentait l'odeur cuivrée du sang et celle plus âcre de la poudre.
Il serait la main de la Lumière. L'envoyé de la justice qui aller forger l'ordre dans le chaos.
Un sourire radieux aux lèvres le chevalier pressa sans attendre les flancs de sa monture pour filer droit vers la mêlée informe qui faisait maintenant face à son armée.
"CHAAAARGEZ ! POUR LA LUMIERE ET POUR LA DAME ! SUS AUX ENVAHISSEURS !" rugit le lion d'or en bondissant sur ses proies.

Une note aura été déposée quelque part, dans la tente de Mira probablement. Peut-être certains l'auront vu, peut-être pas, peut-être ci peut-être ça. Toujours est-il qu'elle est là. Au regard de la calligraphie, elle semble avoir été rédigée par un enfant de six ans, mais la signature ne laisse aucun doute sur son auteur.

Spoiler: